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grande conjoncture ; mais il en est un qui les domine tous, c’est l’amour de mon pays. Je sens ce qu’il me prescrit et je le ferai. »

En disant ces mots, il se jeta dans les bras de M. Laffitte, et parut avec lui et M. de Lafayette sur le balcon, pour saluer la foule, qui applaudit toujours aux spectacles inusités.

Au moment où ils sortaient du Palais-Royal, MM. de Lafayette et Benjamin Constant rencontrèrent un combattant de la veille, M. Pagnerre. « Ah ! qu’avez-vous fait, s’écria-t-il, en les voyant ? » Mais Benjamin Constant s’approcha du jeune homme, et, l’embrassant, « Ne craignez rien, lui dit-il, nous avons pris des garanties. »

Ainsi, en moins de sept heures, 219 députés qui, dans les temps ordinaires, n’auraient formé qu’une majorité de deux voix, avaient modifié la constitution, prononcé la déchéance d’une dynastie, érigé une dynastie nouvelle. Et ces députés avaient été élus sous l’empire d’une charte qu’ils refaisaient à leur gré, sous le règne d’un homme dont ils proscrivaient la famille. Et tout cela venait de s’accomplir en vertu du principe de la souveraineté du peuple.

On s’était si avidement emparé du prétexte de la nécessité présente et de la raison d’état, qu’on n’avait songé à la chambre des pairs que pour lui faire une sorte de communication qui ressemblait plus à un acte volontaire de convenance qu’à une formalité indispensable. Et sans s’inquiéter de son adhésion, sans l’attendre, la chambre des députés, ainsi qu’on l’a vu, était allé porter sa déclaration au Palais-Royal, comme un pacte définitif, comme l’arrêt