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C’était un épisode tout nouveau dans la vieille histoire des fragiles grandeurs de ce monde, que le spectacle de cette multitude bruyante et débraillée, s’entassant à plaisir dans les magnifiques voitures du sacre attelées de huit chevaux, et se faisant reconduire avec des guides de soie par les cochers de la cour. Ces heureux ouvriers, que la misère attendait au sein de leur famille, firent dans Paris une pompeuse et triomphale entrée, suivis de tout le service des écuries du château. Cortège héroïque et grotesque, bien propre à faire réfléchir le philosophe, mais que la foule insouciante saluait au passage par des éclats de rire, des refrains joyeux et des bravos !

Le peuple se rendit donc en équipage dans la cour du Palais-Royal. Ce fut là qu’on mit pied à terre et tous criaient, sous les fenêtres du prince : « Tenez ! voilà vos voitures ! » Des sentinelles veillaient à chaque porte du palais, ouvriers au visage noirci, aux bras nus. Les uns avaient des fusils, les autres des piques. La duchesse d’Orléans était fort effrayée de ce spectacle qui rappelait les scènes de la première révolution. Mais le duc s’était armé de courage, et le sourire ne cessa d’animer ses lèvres, Charles X fuyait avec sa famille laissant le trône vacant. Encore quelques vaines formalités à remplir, et le lieutenant-général devenait roi.