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transportées. On s’aperçut enfin que ce n’était qu’une fausse alerte, et on bivouaqua sur la route.

Comme les vivres manquaient, les uns pillèrent des maisons en passant, les autres se répandirent dans la campagne et en rapportèrent des moutons qu’on fit rôtir au feu des bivouacs.

Mais ces ressources étaient insuffisantes, et le pain, attendu de Versailles, n’arrivait pas. M. Charras partit pour connaître les causes de ce retard. Arrivé à Trappes au milieu de l’arrière-garde, il se fait conduire auprès du général Excelmans, qu’il trouve roulé dans son manteau et couché sous un arbre ; il lui apprend le but de sa mission. Alors, d’un ton où éclatait la colère : « Monsieur, lui dit le général, si à quatre heures du matin les voitures me sont pas en marche, je vous ordonne de faire fusiller le préfet de Versailles. — Voulez-vous me donner cet ordre par écrit ? — C’est inutile : faites toujours. » M. Charras poursuivit sa route : à la barrière de Versailles, où était un poste de gardes nationaux, il demanda deux hommes, qui l’accompagnèrent à la préfecture. Il était une heure du matin : le concierge refusait d’ouvrir ; on le menaça, il eut peur, prit une lampe et introduisit dans la chambre du préfet l’élève de l’École polytechnique. « Où sont les dix mille rations de pain qui devaient partir dans la journée, dit le jeune homme en entrant ? » Réveillé en sursaut et frappé de surprise, le préfet répondit qu’il n’était arrivé à Versailles que de la veille, et qu’il avait fait de son mieux. « Votre place, répliqua le messager avec une brusquerie que justifiaient les circon-