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pages des grands seigneurs, et des hommes du peuple, les faisant descendre, montaient à leur place. Avocats, médecine, bourgeois de toutes les professions, jeunes gens de toutes les classes, se coudoyaient dans ce vaste pêle-mêle, d’où sortait un indéfinissable bourdonnement. A trois heures la colonne se mit en marche. Elle se composait de quinze mille hommes environ. A l’avant-garde marchaient le colonel Jacqueminot, George Lafayette, et enfin le général en chef qui, n’ayant pu avoir son équipement que pièce à pièce, avait dû, pour le compléter, emprunter au banquier Rothschild ses épaulettes de consul d’Autriche. Jamais expédition ne fut plus précipitée, plus irréfléchie. A la barrière des Bons-Hommes, le général ayant demandé une carte du pays, il se trouva que personne n’avait songé à se munir de cet indispensable élément de toute opération de guerre. Un aide-de-camp du général Pajol fut envoyé en avant pour se procurer une carte, qu’il obtint à la manufacture de Sèvres, de M. Dumas, membre de l’Institut, sur un bon portant la toute-puissante qualification d’élève de l’École polytechnique.

Ainsi, des milliers d’hommes entreprenaient une route de quinze lieues, sans direction, sans vivres, sans argent, dans un pays dont le passage des troupes avait épuisé les ressources. Il y avait encore à Versailles, que l’expédition devait traverser, les débris de deux régiments. Était-il prudent de les laisser derrière soi ? Cette réflexion, faite par M. Dupoty, fut communiquée au général Pajol par un élève de l’École polytechnique, et ils se rendirent