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aux troupes, « Je n’ai pas l’habitude, répondit le général Souham, de rendre compte de mes actes à mes inférieurs. » Et, comme le colonel insistait, il ajouta ces mots caractéristiques : « Marmont s’est mis en sûreté. Je suis de haute taille, moi, et je n’ai pas envie de me faire raccourcir par la tête. » Le colonel Fabvier se contint : il désirait qu’on lui permît de se rendre auprès du gouvernement provisoire, et qu’avant son retour on ne décidât rien. On n’eut pas de peine à y consentir, et il partit rapidement pour Paris.

Les trois négociateurs étaient chez M. de Talleyrand ; le duc de Raguse chez le maréchal Ney. En voyant entrer le colonel Fabvier, Marmont devint très-pâle, et, sans attendre que le colonel ouvrît la bouche, il s’écria : « Je suis perdu ! — Oui, vous êtes perdu, répondit le colonel Fabvier : vos troupes passent à l’ennemi. » Le duc de Raguse s’appuya contre la cheminée en chancelant, et murmura d’un air sombre qu’il ne lui restait plus d’autre parti à prendre que de se brûler la cervelle. « Il y en a un autre, lui dit le colonel Fabvier c’est de partir et d’arrêter le mouvement. » Le duc de Raguse s’empara de cette proposition avec vivacité ; mais, aussitôt après, il déclara qu’il devait à ses collègues d’en conférer avec eux, et il courut, accompagné du colonel, chez le prince de Talleyrand, où il entra seul. Quelques minutes s’étaient à peine écoulées, que le colonel Fabvier qui attendait Marmont, le