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manquait-il donc ? Du génie, et plus que cela, dit voiloir. M. de Lafayette ne voulait rien fortement, parce que ne pouvant diriger les événements, il aurait été affligé de les voir diriger par un autre. En. ce sens M. de Lafayette avait peur de tout le monde, mais sortent de lui-même. Le pouvoir l’enchantait et l’effrayait ; il en aurait bravé les périls, mais il en redoutait les embarras. Plein de courage, il manquait absolument d’audace. Capable de subir notablement la violence, non de l’employer avec profit, la seule tête qu’il eût sans épouvante livrer au bourreau, c’était la sienne.

Tant qu’il s’était agi d’un gouvernement de passage, il y avait suffi, il en avait même été charmé. Environné à l’Hôtel-de-Ville d’une petite cour dont le bourdonnement lui plaisait, il jouissait, avec une naïveté un peu enfantine, de la vénération bruyante dont on entourait sa vieillesse. Dans ce cabinet où venaient aboutir toutes les nouvelles, d’où partaient à chaque instant des proclamations, où l’on gouvernait par signatures, on s’agitait beaucoup pour faire peu de chose. Situation qui convient à merveille aux esprits faibles, parce qu’au milieu des agitations stériles ils se font plus aisément illusion sur leur effroi de tout ce qui est décisif. Eh bien, cet effroi, M. de Lafayette l’éprouvait au plus haut degré et il y parut clairement quand le moment vint de se prononcer. Au danger de faire ce qu’il voulait, il préféra celui de voir faire ce qu’il ne voulait pas. Une couronne était posée devant lui : il ne la refusa point, il ne la donna point, il la laissa prendre.

Toutefois, il ne se rappelait pas sans quelque