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séparé de sa suite, et ne voyant auprès de lui qu’un jeune homme à cheval, M. Laperche, lequel ne paraissait pas inconnu aux combattants, il lui fit signe d’approcher et de marcher à ses côtés. Que pouvait-il craindre ? C’en était fait : la révolution venait de trouver son dénoûment. Un drapeau tricolore avait été apporté ; le duc d’Orléans et M. de Lafayette avaient paru tous les deux aux fenêtres de l’Hôtel-de-Ville avec ce drapeau magique. On ne criait encore que : Vive Lafayette ! Quand il eut embrassé le duc, on cria aussi : Vive le duc d’Orléans ! Le rôle du peuple était fini : le règne de la bourgeoisie commençait.

Ce jour-là même, et non loin de l’Hôtel-de-Ville, un bateau, placé au bas de la Morgue, et surmonté d’un pavillon noir, recevait des cadavres qu’on descendait sur des civières. On rangeait ces cadavres par piles en les couvrant de paille ; et rassemblée le long des parapets de la Seine, la foule regardait en silence.

Le lieutenant-général du royaume regagna son palais par une route, et le banquier son hôtel par une autre.

M. Laffitte a raconté depuis qu’en revenant de la place de Grève, il avait éprouvé un grand serrement de cœur et comme un regret confus des événements de cette journée. Il est des hommes qui dépensent beaucoup de puissance pour arriver à un résultat vain ; quand leur œuvre est achevée, elle les humilie ; et les excitations de la lutte venant à leur manquer, ils demeurent frappés de la puérilité du triomphe. Un sentiment de ce genre dut s’emparer