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retenir. « Pour moi, s’écria le général Lobau, avec un emportement soldatesque, je ne veux pas plus de celui-ci que des autres. C’est un Bourbon. » Il est certain que l’invitation adressée la veille au duc d’Orléans par les députés, avait excité, même parmi les membres de la commission municipale, un mécontentement si vif, que M. Odilon Barrot venait d’être chargé d’aller au-devant du prince pour l’arrêter. Et telle était la fatigue de tous dans ces dévorantes journées, que, pendant qu’on lui amenait un cheval, il s’était endormi sur une borne. On le réveilla et il partit. Que serait-il advenu de cette mission, si elle eut été remplie ? mais le duc d’Orléans déjà était en marche, et tout allait dépendre de la réception qui lui serait faite. Quelques-uns la lui préparaient terrible. Un jeune homme avait juré de l’immoler au moment où il mettrait le pied dans la grande salle. Vain projet ! quand il prit le pistolet destiné à ce dessein, il ne put s’en servir : une main invisible l’avait déchargé.

Ainsi semblaient s’annoncer des événements redoutables. Le duc d’Orléans s’avança lentement à travers les barricades, sans regarder ni à droite ni à gauche, et tout plein d’une émotion contenue. À son apparition sur la place, le tambour avait battu aux champs dans l’intérieur de l’Hôtel-de-Ville. À peine le prince eût-il gagné le milieu de la place, que le bruit du tambour s’éteignit subitement. Il continua pourtant sa marche mais on remarqua, lorsqu’il montait les degrés de l’Hôtel-de-Ville, que son visage était très-pâle. M. de Lafayette parut sur le palier du grand escalier, et reçut son royal visiteur