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danger des malentendus. C’est ainsi que la guerre fut sur le point de se ranimer autour de la royauté et parmi ses défenseurs eux-mêmes. Une compagnie des gardes-du-corps couvrait Saint-Cloud du côté de Ville-d’Avray. Dans les bois situés au-delà de ce village campaient les débris d’un régiment de ligne, commandé par le colonel Maussion. Voyant les ravages que la désertion faisait autour de lui, ce colonel rassemble les officiers, les sous-officiers et les soldats restés fidèles ; il invoque l’honneur militaire, et montrant le drapeau, « est-ce qu’il ne restera personne, s’écrie-t-il, pour aller rendre ce drapeau à celui qui nous l’a confié ? » À ces mots, tous se mettent en marche. Les gardes-du-corps apprennent ce mouvement. Le bruit s’était déjà répandu parmi eux que la ligne ; qui s’était rangée du parti de l’insurrection, n’attendait que le moment de les charger. L’alarme se répand dans leurs cœurs, et y fait place aussitôt à la fureur la plus aveugle. Plusieurs d’entre eux tirent leurs sabres et s’avancent jusqu’à la porte de Ville-d’Avray. Ils allaient la franchir lorsqu’un sous-lieutenant de la compagnie de Croï, le colonel Lespinasse, s’élance pour les arrêter. Sa voix est méconnue, tant l’irritation est ardente ! Il pousse alors son cheval en travers de la route, et déclare qu’on n’avancera qu’en lui passant sur le corps. Pour dissiper le malentendu, quelques mots suffirent ; mais la royauté venait de courir peut-être un grand danger.

Marcher sur la capitale, dans cet immense désordre, était bien difficile, impossible peut-être. Cependant, le Dauphin insistait pour qu’on prit ce