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de l’Autriche se mourait au-delà du Rhin, frêle représentant d’une dynastie qui vint exhaler en lui son dernier souffle.

A quelques lieues de Paris agité, Saint-Cloud présentait un morne et désolant spectacle. Au visage pâli des soldats, à leur affaissement, il était aisé de deviner ce qui se passait dans leur âme. Beaucoup d’entr’eux avaient laissé à Paris des parents, des amis : quel était leur sort ? car on répandait de temps en temps des nouvelles funèbres ; et de mystérieux émissaires, venus à Saint-Cloud par les voitures publiques, qui traversaient librement le pont de Sèvres, n’épargnaient rien pour pousser les troupes à la désertion. Tantôt c’était Paris qu’on livrait au pillage ; tantôt c’était M. Laffitte qui avait offert 14 millions pour racheter la ville. Au milieu de toutes ces rumeurs absurdes ou mensongères, les soldats se laissaient aller à un sombre découragement. Leur chef, d’ailleurs, ne leur avait-il pas donné l’exemple de l’hésitation ? Et puis, la désorganisation était complète. Le baron Weyler de Navas, chargé de pourvoir à la subsistance des troupes, s’épuisait en vains efforts. Le pain était amené de fort loin, par petites charretées, et on apportait dans les distributions la plus stricte parcimonie. M. de Champagny, de retour de Fleury où il était la veille au soir, voulait qu’on s’emparât d’un grand troupeau de bœufs qu’il avait rencontré sur la route et qu’on aurait payé en bons. On n’osa pas. On avait osé bien davantage !

Aux embarras de cette situation se joignaient l’incertitude née de l’ignorance des événements, et le