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rédigé une proclamation pour laquelle ils n’avaient pu trouver d’imprimeurs ; et que ceux à qui ils s’étaient adressés leur avaient montré une défense expresse portant la signature du duc de Broglie. « Prenez garde, Messieurs, disait avec un sourire incrédule M. de Lafayette, il n’est sorte de moyens qu’on n’emploie à certaines époques ! Que de fois, pendant notre première révolution, n’a-t-on pas calomnié ma signature ? » Voilà dans quels vains propos M. de Lafayette consumait, à l’Hôtel-de-Ville, les heures précieuses qu’on mettait si bien à profit à l’hôtel Laffitte ! Mais un incident extraordinaire vint ranimer les esprits. La porte du cabinet de M. de Lafayette s’ouvre, et on annonce tout bas au général la visite d’un pair de France. « Qu’il entre. — Mais il désire un entretien particulier. — Qu’il entre, vous dis-je. Je suis ici au milieu de mes amis, et ce qu’on me demande, ils peuvent l’entendre. » Le pair de France fut introduit. C’était le comte de Sussy. Son visage paraissait abattu, et des larmes roulaient dans ses yeux. Il tendit à M. de Lafayette les ordonnances qu’à la chambre des députés on avait refusé de recevoir. M. de Lafayette lui adressa sur les liens de parenté qui unissaient les Lafayette aux Mortemart quelques paroles où perçait le républicain-grand-seigneur ; et, prenant les papiers qu’on lui présentait, il les étalait comme un jeu de cartes devant ses jeunes amis. On n’en eut pas plutôt appris le contenu, qu’un cri de fureur retentit dans toute la salle. « Nous sommes joués ! qu’est-ce à dire ? des ministres nouveaux nommés par Charles X ! Non ! non ! plus de Bourbons ! » Et