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mouvement des partis sans se laisser entraîner par eux, tel avait été, durant la Restauration, le rôle qu’à la cour on prêtait à Philippe, duc d’Orléans. Doué de ce genre de courage qui, pris au dépourvu, tient tête à la circonstance, mais non de celui qui envisage sans trouble les lointains périls, il avait passé de longues années prévoir une catastrophe, et à la redouter. Ne voulant à aucun prix être enveloppé dans quelque grand naufrage, et n’étant pas de ces fortes âmes à qui l’infortune est bonne pourvu qu’elle soit illustre, il donna d’abord à la cour des conseils intéressés, mais sincères. Repoussé, il ne songea plus qu’à se créer dans la famille royale une existence à part. Il temporisait avec son destin. S’emparer des dépouilles des siens, en jouant sa tête dans la partie, était un attentat trop au-dessus de son cœur. Il voulait se préserver de leur chute : voilà tout. Il n’aurait jamais sacrifié à l’imprévu, et n’était capable d’aucune de ces témérités héroïques dont se compose le rôle des ambitieux. Au premier bruit de la révolution qu’il avait prévue, on dût chercher à lui prouver que pour rester propriétaire, le plus sûr était de devenir roi. Car en prenant la couronne, il conservait ses domaines.

De retour à Paris, M. Thiers raconta partout avec enthousiasme l’accueil gracieux qu’il avait reçu des princesses, faisant entrer dans le récit de tout ce qui l’avait charmé mille détails puérils, inexacts peut-être, et jusqu’au verre d’eau que lui avaient offert des mains presques royales. Etait-ce un piège tendu à la vanité crédule des bourgeois qui l’écoutaient ? ou bien avait-il été dupe lui-même de cette bon-