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Le duc de Mortemart fut rappelé. Les dispositions du roi lui parurent tout-à-fait changées. Son accablement avait fait place à une sorte d’ardeur singulière ; il mit presque de l’empressement à signer les ordonnances, s’arrêtant toutefois, dans ses concessions, à certaines limites. Voilà comment la monarchie rendit son épée.

Quand le duc de Mortemart sortit de la chambre du roi, il faisait presque jour. Il rencontra M. de Polignac sur la terrasse. C’était la première fois qu’il le voyait revêtu de l’uniforme d’Officier-général. M. de Polignac était vivement ému. Devant eux Paris se cachait dans un nuage composé de brouillards et de fumée ; on entendait par intervalles les coups de feu des avant-postes. Tout-à-coup M. de Polignac, étendant le bras vers la capitale, s’écria d’un air inspiré : « Quel malheur que mon épée se soit brisée entre mes mains, j’établissais la Charte sur des bases indestructibles ! » Puis se retournant vers M. de Mortemart : « Ne craignez point que je fasse ici obstacle à votre mission. Vous partez pour Paris ; moi, pour Versailles. »

Une calèche conduisit M. de Mortemart jusqu’au bois de Boulogne. MM. d’Argout et Mazas l’accompagnaient. Là on refusa de les laisser passer. Le dauphin, qui la veille avait pris le commandement des troupes et qui voulait à tout prix empêcher les concessions, le dauphin avait écrit aux chefs des avant-postes pour leur défendre, sous peine de la vie, d’ouvrir passage à quiconque viendrait de Saint-Cloud. Après une discussion fort vive, M. de Mor-