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portait encore la cocarde blanche. Il l’ôta, sur les observations de M. Sarrans, mais sans la remplacer par la cocarde de la révolution.

Au reste, soit crainte, soit indifférence ou étourdissement, ceux qui déjà se présentaient comme chefs, ne se montraient nulle part impatients d’arborer les couleurs pour lesquelles le peuple avait combattu. La manière dont le drapeau tricolore fut arboré à l’Hôtel-de-Ville, le 29, mérite d’être rapportée. M. Dumoulin ayant aperçu derrière un meuble un drapeau tricolore roulé et tout couvert de poussière, témoigna l’intention de le placer à une fenêtre de la salle Saint-Jean, ce qu’il fit, sur un signe d’assentiment de M. Baude. On conduit trop souvent les peuples avec des signes et avec des mots. Mais voilà ce que tous les grands hommes du moment semblaient ignorer secondé par le vieux colonel Zimmer, son chef d’état-major, brave officier, mais qui avait moins de portée d’esprit que de patriotisme et de zèle, M. de Lafayette laissait flotter la politique aux mains des subalternes.

Un pair de France se hâtait sur ces entrefaites, vers l’hôtel Laffitte. C’était le duc de Choiseul. Il avait appris qu’il gouvernait la France, et cette nouvelle le glaçait de terreur. Comme nul ne pouvait dire encore ce qui sortirait d’une aussi soudaine commotion, le duc de Choiseul venait prendre M. Laffitte à témoin de son innocence. Il protestait, surtout, contre l’association de son nom à celui de Lafayette, ajoutant qu’il voudrait être seul au pouvoir ou n’être rien. « À ce compte, vous ne serez rien, M. le duc », cria une voix. Plus tard, le duc