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Cinq officiers entrèrent dans le grand salon. M. Laffitte, blessé à la jambe, était étendu dans un fauteuil. Il les reçut avec bienveillance et dignité. « Messieurs, leur dit-il, gardez vos armes, mais jurez de ne point les tourner contre le peuple. » Les officiers étendirent la main comme pour un serment. « Pas de serment, Messieurs, reprit M. Laffitte d’une voix émue, les rois les ont déshonorés : il suffit de la parole des braves. » Ces mots furent couverts d’applaudissements, et chacun se livrait aux fortes émotions de cette journée, quand tout-à-coup une décharge se fit entendre. Comment peindre le tumulte qui alors éclata dans les appartements ? La garde royale était certainement victorieuse ; l’ennemi allait paraître… Et chacun de fuir. On se pousse, on se heurte dans les vestibules ; plusieurs, et M. Méchin entr’autres, sautent dans les jardins par les fenêtres du rez-de-chaussée ; deux députés sont trouvés blottis dans les écuries. En un clin-d’œil, M. Laffitte avait été abandonné de tous ceux qui assiégeaient son fauteuil. Son neveu, M. Laroche, était seul resté auprès de lui. Sa femme s’était évanouie. Quant à lui, toujours calme, il profitait de ce désordre pour se faire panser la jambe par son neveu. Qu’était-il donc arrivé ? Les soldats du 6e avaient suivi l’exemple de leurs camarades du 53e et, gagnés à la cause du peuple, ils avaient déchargé leurs fusils en l’air pour le rassurer.

Eh bien, cet hôtel Laffitte, théâtre de terreurs si ridicules, on devait l’appeler plus tard le quartier-général de la révolution.

La bataille finie, la ville si long-temps immobile