Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/299

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que M. Auguste Billiard courut à lui : « Je suis chargé de vous dire que Charles X désire conférer avec vous. » Casimir Périer répondit à cette proposition par un refus hautain. Déjà son âme appartenait au succès.

Beaucoup de personnes marquantes étaient en ce moment réunies chez M. Laffitte. Un grand bruit se fit à la porte de l’hôtel : c’était un sergent, nommé Richemont, qui demandait à entrer, et comme on faisait difficulté pour laisser pénétrer un soldat dans des salons où se discutaient de si graves intérêts, Richemont avait tiré son sabre dont il présentait la poignée aux laquais, en redoublant d’instances. On l’introduisit enfin. Il venait annoncer que le 53e de ligne était prêt à fraterniser avec le peuple, et que le corps des officiers, à l’exception du colonel et des chefs de bataillon, l’avait député vers le général Gérard pour l’en instruire. Sur l’invitation du général, le colonel Heymès sortit habillé en bourgeois, et se dirigea vers la place Vendôme avec le sergent Richemont. Ils rencontrèrent en chemin le frère de M. Laffitte, qui réunissait quelques gardes nationaux et qui se joignit au cortége. MM. Heymès et Jean-Baptiste Laffitte s’avancent jusqu’au colonel à travers les soldats. Leurs vives, paroles circulent dans les rangs ; les officiers applaudissent ; le colonel, qui résistait, est entraîné. Les soldats ne demandent qu’à garder leurs armes et leur drapeau, condition militaire qui ne pouvait leur être refusée, et le régiment, tambours en tête, se dirige vers l’hôtel Laffitte.

Bientôt la cour de l’hôtel regorgea de soldats.