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Dans la précipitation de la retraite, le duc de Raguse avait oublié, rue de Rohan, une compagnie du 3e de la garde. Postée dans la maison d’un chapelier, à quelques pas du théâtre Français, les soldats de cette compagnie faisaient feu de toutes les fenêtres sur quelques hommes qui, couverts par les colonnes du péristyle ou par les angles des rues, soutenaient cette lutte ardente avec une inépuisable vigueur. Deux jeunes gens combattaient côte-à-côte. L’un d’eux est mortellement frappé. L’autre, qui chargeait son fusil, continue, en disant à ses camarades, d’une voix sourde : « Si je suis tué, vous releverez ce malheureux, n’est-ce pas ? C’est mon frère. »

Après un combat meurtrier, la maison est emportée ; le capitaine Menuisier est précipité du haut d’un troisième étage ; on égorge plusieurs soldats, et les autres sont conduits prisonniers à la place de la Bourse. Ce fut un des plus terribles épisodes de l’insurrection : ce fut le dernier.

La résistance avait été opiniâtre : elle provoqua des vengeances. Un soldat s’était caché dans une armoire ; il y fut découvert par un manufacturier du faubourg Saint-Antoine, qui le perça de sa baïonnette.

Mais si la victoire, chez quelques-uns, se montra implacable, elle fut, chez la plupart, magnanime et pieuse. Un officier, nommé Rivaux, s’étant évadé par les toits, s’était glissé dans l’allée d’une maison voisine, d’où il était entré dans la boutique, déserte en ce moment, d’un layetier. Un auvent renversé lui servit de refuge. Tout-à-coup des éclats de voix