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missant et funèbre. Guerre inouïe, ou tout combattant affrontait la mort deux fois ; pour frapper son ennemi d’abord, et ensuite pour le sauver !

Mais c’était au marché des Innocents qu’était le fort de l’action. Le bataillon qui partit de là, pour éclairer jusqu’au boulevard la rue Saint-Denis, ne put qu’avec des efforts incroyables remplir sa triste mission. Arrivé à la cour Batave, il essuya une fusillade meurtrière, et ne parvint à la porte Saint-Denis qu’après avoir eu près de trente hommes tués ou blessés. Son colonel, M. de Pleineselve, avait été atteint mortellement : les soldats le portaient sur un brancard. La rue Saint-Denis, à mesure que le bataillon avançait, s’était couverte de barricades : il ne put revenir sur ses pas. Le général Quinsonnas resta donc au marché des innocents avec un petit nombre d’hommes, et enveloppé par l’insurrection.

Pendant que la lutte s’engageait ainsi sur divers points de Paris, voici ce que faisaient les députés. M. Audry de Puyraveau leur avait donné rendez-vous à midi dans son hôtel. M. Audry était puissant et riche, alors. Depuis, il est tombé dans la pauvreté et dans l’abandon ; il s’est senti frappé à toutes les parties sensibles du cœur, et aujourd’hui même il erre en pays étranger, n’ayant pu trouver où reposer sa tête sur une terre où il avait cru fonder la liberté ! M. Audry se défiait de la fermeté de ses collègues. Avant de leur ouvrir les portes de sa maison, il fit savoir secrètement à plusieurs étudiants et à un grand nombre d’ouvriers qu’une réunion de députés devait avoir lieu chez lui, et que, pour les