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pas ses conseils, mais il s’écriait, non sans emportement, qu’il n’était plus député, déclinant de la sorte toute responsabilité politique dans des événements dont l’issue était ignorée.

Cependant les joueurs de bourse n’avaient pas été les derniers à s’émouvoir. Dans les lignes funestes du Moniteur ils avaient lu, ceux-ci des millions perdus, ceux-là des millions gagnés. M. de Rothschild apprit dans l’avenue des Champs-Élysées, en revenant de sa maison de campagne, la nouvelle des ordonnances. Il pâlit : c’était un coup de foudre pour un joueur à la hausse. Nous dirions plus bas à quelle mesure il dût de ne perdre à cette crise que quelques millions. D’autres avaient mieux calculé. Les ordonnances furent pour eux le point de départ d’une série d’opérations fructueuses. La rente 3 pour 0/0 étant subitement descendue de 78 à 72, il y eut des hommes qui purent dater leur fortune de ce jour là.

A l’institut, l’émotion fut aussi vive qu’à la Bourse, avec un caractère plus élevé. M. Arago y vit accourir à lui, l’œil en feu et les traits bouleversés, le maréchal Marmont duc de Raguse. « Eh bien ! s’écriait impétueusement le maréchal, les ordonnances viennent de paraître. Je l’avais bien dit ! Les malheureux, dans quelle horrible situation ils me placent ! Il faudra peut-être que je tire l’épée pour soutenir des mesures que je déteste ! » Il ne se trompait pas. Il était dans la destinée de cet homme d’être deux fois fatal à son pays.

L’éloge de Fresnel, que M. Arago devait prononcer le 26 juillet, avait attiré à l’Institut un grand