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s’étaient répandus sur toute la surface de la France, remuant les esprits par de sombres prédications, promenant sous les yeux des femmes les pompes d’une religion redoutable, et élevant sur les places publiques l’image de Jésus crucifié. On méditait des mesures propres à exalter l’esprit militaire. Et la royauté se préparait à tout oser, appuyée qu’elle était sur des soldats et sur des prêtres.

Lorsqu’un roi passe, que ce soit sur la route du trône du sur celle de l’échafaud, il s’élève presque toujours du sein de la foule quelques clameurs confuses. Ces clameurs, Charles X les avait entendues dans son voyage en Alsace ; il les avait interprétées dans le sens de son orgueil : il se crut aimé.

Ce voyage, pourtant, avait été marqué par quelques scènes de sinistre augure. À Varennes, la famille royale avait dû s’arrêter, pour changer de chevaux, au même endroit d’où fut jadis ramené Louis XVI fuyant sa capitale et désertant la royauté. Tout-à-coup, et à l’aspect du relai fatal, la Dauphine éprouve un tressaillement convulsif ; elle ordonne à ses gens de passer outre, et laisse pour adieux au peuple rassemblé, quelques-unes de ces paroles qui perdent les princes. Plus loin, à Nancy, la famille royale se montre sur un balcon pour saluer la multitude. Des sifflets retentissent. À qui s’adresse l’injure ? La Dauphine s’en émeut, et fait brusquement fermer les fenêtres, après être rentrée dans les appartements, frémissante et toute éplorée.

Cependant, considéré dans son ensemble, le voyage d’Alsace n’était pas un trop malheureux