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rendez-vous dans la forêt de Brissac. Lâche plagiaire de Wolfel, le sous-officier Thiers se jette dans les bras du colonel, et, par des marques perfides de dévouement, l’amène à révéler ses espérances, tandis que, cachés derrière un buisson, des espions recueillent ces témoignages accusateurs. Caron est condamné au supplice ; on lui refuse la douceur amère d’embrasser, avant de dire adieu à la vie, sa femme et ses enfants ; il meurt comme était mort le maréchal Ney. Le courage me manque pour aller plus loin et pour vous suivre jusqu’à cette place de Grève où vos têtes roulèrent, après qu’aux yeux d’une foule attendrie, vos âmes se furent réunies dans un suprême embrassement, ô Bories, et vous, dignes compagnons de ce jeune homme immortel ! La Restauration attaquée avait certainement le droit de se détendre, mais non de se défendre par le guet-à-pens ; car c’était faire de la peine de mort un assassinat.

La veille du jour qui, pour lui et ses camarades, devait être le dernier, Bories écrivait à un ami, du fond de son cachot de Bicêtre :

« On nous affame ; on veut nous séparer. Si vous ne pouvez nous sauver aujourd’hui, il est a désirer que nous mourions demain. »

Ce vœu mélancolique fut accompli. On avait mis la grâce des prisonniers au prix de quelques révélations : ils emportèrent noblement dans la tombe le nom de leurs complices.