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d’ailleurs par une âme naturellement généreuse, M. de Lafayette s’offrit pour le voyage de La Rochelle comme il s’était offert pour celui de Béfort, Mais son sacrifice ne fut pas accepté, et le colonel Dentzel fut donné à M. Flotard pour l’accompagner.

Ils rejoignirent à la Rochelle le général Berton et ces sergents immortels qu’attendait la place de Grève.

On touchait au 14 mars, jour fixé pour l’explosion du complot. La charbonnerie disposait, par le moyen des officiers et des sous-officiers, de presque toutes les garnisons des villes de l’Ouest. Cinquante-quatre pièces attelées devaient, au moment convenu, appartenir aux conjurés. La Rochelle avait pris, depuis quelque temps, une physionomie étrange. Les espérances des uns, les doutes des autres, les précautions du pouvoir, les demi-confidences, les conjectures, tout cela répandait dans la ville une inquiétude qui se mêlait, en quelque sorte, à l’air que chacun respirait. Quand l’orage s’amoncèle, on voit sous un ciel assombri les horizons qui s’éclairent et se détachent. Il en est de même quand se forment les tempêtes civiles : avant d’éclater, elles illuminent et agrandissent les esprits en les contristant.

Mais il est rare que, dans les entreprises humaines, on tienne compte de ce petit grain de sable dont parle Pascal, et qui, placé quelque part dans le corps de Cromwel, eût changé la face du