Page:Bladé - Contes populaires de la Gascogne, t. 1, 1886.djvu/48

Cette page a été validée par deux contributeurs.
XXXIV
PRÉFACE


et de ma mère, dans ce tranquille cimetière de Lectoure, que domine le château ruiné de nos comtes d’Armagnac.

Isidore Escarnot, actuellement boulanger à Bivès (Gers), a dépassé la quarantaine. Quand j’écrivis, sous sa dictée, c’était un jeune et vigoureux bouvier, au service de feu M. Roussel, médecin au Pergain-Taillac (Gers). Je dois beaucoup à cet illettré, qui, du premier coup, devina pleinement ce que je cherchais et me dit : « Moussu Bladè, boulètz pas cansous hèitos. Boulètz pas countes hèitz. — Monsieur Bladé, vous ne voulez pas des chansons faites. Vous ne voulez pas des contes faits. » Dans sa pensée, le mot « faits » excluait absolument les créations littéraires, même en dialecte gascon.

Tel fut, tel est encore Escarnot, l’un de mes plus intelligents, de mes plus dociles fournisseurs. Cazaux me donna bien plus de mal.

C’était un vieillard, assez replet, à la face terreuse, et couturée de mille rides, avec de petits yeux ternes et voilés, vêtu, selon la saison, de bure grise ou de droguet bleu, en tout temps coiffé d’une vénérable casquette de loutre. À travailler de ses mains, pendant plus de soixante ans, cet octogénaire illettré avait amassé de quoi payer un jardinet, et vivre sobrement en sa maisonnette, sise à Lectoure, dans une des petites rues voisines de la Place d’Armes. Après la mort de mon pauvre père,