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LES BELLES PERSÉCUTÉES


maria ses deux filles aînées sur-le-champ, et donna la moitié de sa terre à chacune d’elles.

— « Notaire, dit-il, je me réserve, pendant toute ma vie, d’aller vivre six mois chez ma fille aînée, et six mois chez la seconde. Ne manque pas de marquer cela sur ton papier. »

Mais le notaire était une grande canaille, qui fut condamné, la même année, aux galères pour le restant de sa vie. Il avait reçu secrètement de l’argent des deux filles aînées, et il ne marqua pas sur son papier ce que le roi s’était réservé.

« — Maître, dit le valet, Dieu veuille que ce qui est fait soit bien fait. Maintenant, je vais mener votre dernière fille dans un bois, pour lui faire passer le goût du pain, et vous rapporter sa langue.

— Pars, valet. Quand tu seras revenu, je te récompenserai. »

Le valet alla chercher une chaîne, et la passa au cou de la pauvre fille. Cela fait, il prit son sabre, et siffla sa chienne.

« — Allons, insolente ! Allons, malheureuse ! Tu n’as pas longtemps à vivre. Recommande ton âme au Bon Dieu, à la sainte Vierge Marie et aux saints. »

Ainsi cria le valet, tant qu’il fut à même d’être entendu par le roi. Mais dans le bois, ce fut autre chose.