Page:Bladé - Contes populaires de la Gascogne, t. 1, 1886.djvu/173

Cette page a été validée par deux contributeurs.
109
ET VENGEANCES


« Chevrière ! chevrière ! chevrière ! » Tu ne m’attendras pas longtemps, et je te tirerai de peine. »

La pauvre vieille femme repartit, avec sa chèvre, et le fils du roi recommença son travail de chaque jour.

Un soir, à souper, le métayer, qui revenait de la foire, devisait de ce qu’il y avait vu et entendu.

— « Porcher, il se passe de tristes choses en France. Un Géant de Brume est venu, pour la perdition de ce pays, un Géant de Brume haut de cent toises, avec un œil de diamant au beau milieu du front. Du lever au coucher du soleil, le gueux court la campagne. Partout où il passe, les blés, les vignes, les arbres, sèchent pour ne reverdir jamais. On dit que le vieux roi de France en meurt de peine. Qu’y faire ? Bien des hommes, forts et hardis, ont voulu faire bataille. Mais il faut frapper à l’œil de diamant, et les armes ne peuvent rien sur le corps du Géant de Brume. »

Le fils du roi semblait écouter par complaisance. Pourtant, il ne perdait pas un mot. L’heure du coucher venue, il fit semblant d’aller au lit, mais il sortit doucement, bien doucement, et prit le chemin du bois. Au premier coup de minuit, il était près du chêne creux :

— « Chevrière ! chevrière ! chevrière ! »