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LÉON TOLSTOÏ

salut, à qui causer ; et enfin cet ennui éternel, qui est dans le sang, qui se transmet de génération en génération (et toujours consciemment, avec la conviction que c’est nécessaire). Comprenez une chose ou croyez au moins ceci : qu’il faut voir et comprendre ce qui est la vérité et la beauté, et tout ce que vous dites et pensez, tous vos désirs du bonheur pour moi et pour vous, s’envoleront en poussière. Le bonheur, c’est d’être avec la nature, de la voir, de lui parler. « Que Dieu l’en préserve, il se mariera ensuite à une simple Cosaque et sera perdu à jamais pour le monde ! » C’est, je m’imagine, ce que l’on dit de moi, avec une franche commisération. Et moi je ne désire qu’une chose, me perdre absolument au sens que vous l’entendez. Je désire épouser une simple Cosaque et je n’ose le faire, parce que ce serait le comble d’un bonheur dont je ne suis pas digne.

« Trois mois sont passés depuis que j’ai vu pour la première fois la Cosaque Marianna. Les conceptions et les préjugés de ce monde d’où je venais étaient encore frais en moi, je ne croyais pas alors que je pourrais aimer cette femme, je l’admirais comme la beauté des montagnes et du ciel, et je ne pouvais point ne pas l’admirer puisqu’elle est belle comme eux. Ensuite, j’ai senti que la contemplation de cette beauté devenait une nécessité de ma vie et j’ai commencé à m’interroger, à me demander si je ne l’aimais pas.

« Mais je n’ai trouvé en moi rien de semblable à