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LÉON TOLSTOÏ

ciait, et mes camarades me regardaient comme un homme relativement moral. J’ai vécu ainsi pendant dix ans[1]. »

Le commencement de cette période agitée trouve Léon Nikolaievitch à la campagne. C’est à ce temps qu’il faut rapporter ses tentatives d’exploiter sa propriété sur de nouvelles bases, et, principalement, d’établir des rapports humains, amicaux avec ses paysans, tentatives infructueuses dont l’insuccès est dépeint si clairement dans le récit la Matinée d’un seigneur. Dans ce récit, il y a tant de données psycho-autobiographiques unies aux faits décrits, que nous pourrions en faire un chapitre de cette biographie. Citons-en la lettre du prince Nekludov à sa tante.

« Chère tante,

« Je viens de prendre une décision d’où dépend tout le sort de ma vie. Je quitte l’Université pour me consacrer à la vie de campagne, car je me sens né pour elle. Pour Dieu, chère tante, ne vous moquez pas de moi. Vous direz que je suis jeune, peut-être est-ce vrai — je ne suis encore qu’un enfant — mais cela ne m’empêche pas de sentir ma vocation, d’aimer le bien et de désirer le faire.

« Comme je vous l’ai déjà écrit, j’ai trouvé les affaires en une confusion indescriptible. Désirant les remettre en ordre, et après les avoir bien étudiées, j’ai découvert que le mal principal tient à

  1. L.-N. Tolstoï, Confessions, édition russe de V. Tchertkof.