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repoussèrent successivement le duc Godefroid et le comte de Montaigu, accourus à son secours. Il se vit donc forcé de se rendre et de renoncer à la dignité d’évèque.

Lorsque son compétiteur mourut (le 28 mai 1121), Alexandre espérait lui succéder, espoir qui fut déçu ; il ne put vaincre l’opposition de l’archevêque de Cologne. Le duc Godefroid et ses autres artisans avaient cependant reparu à Liège. En 1122, l’empereur étant venu dans cette ville, les chanoines de Saint-Servais, de Maestricht, se plaignirent à lui des torts que leur causait le seigneur de Fauquemont ; celui-ci ayant refusé de comparaître pour se justifier, Henri marcha contre lui : le château de Fauquemont fut assiégé pendant six semaines, pris de vive force et détruit de fond en comble. Dans cette entreprise, il fut puissamment aidé par le duc Godefroid, à qui on l’attribue quelquefois. Il fut alors question d’élire à Liège un nouvel évêque. Les suffrages se portèrent, de commun accord, sur un personnage dont on exaltait les qualités et dont la nomination parut le gage d’une réconciliation entre les parris qui divisaient l’évèché. Je veux parler d’Albéron ou Aubéron, primicier de l’église de Metz, qui était frère ou parent du duc Godefroid et qui fut consacré à Cologne, en 1123.

On possède peu de renseignements sur la situation intérieure des Etats de Godefroid. On sait seulement que les déchirements de l’Eglise favorisèrent, pendant quelques années, les prédications d’un sectaire ardent, nommé Tanchelme ou Tanchelin. Si l’on en croit une lettre adressée par les chanoines d’Utrecht à l’archevêque de Cologne , il exerçait l’influence la plus funeste sur les populations voisines de la mer du Nord. Il attaqua sans ménagement le clergé, nia la valeur des sacrements et se prétendit Dieu lui-même. L’un de ses complices, le forgeron Manassés, organisa à Anvers une confrérie ou gilde, qui était dirigée par une femme et douze hommes, en mémoire de la Vierge et des apôtres, et au sein de laquelle régnaient, à ce que l’on prétend, des mœurs infâmes. Tanchelin osa cependant partir pour Rome, s’y présenta au souverain pontife, et fut mis en liberté après avoir été emprisonné à Cologne par ordre de l’archevêque. Il n’était donc pas si coupable que ses adversaires le disaient ; toutefois ceux-ci ne cessèrent de s’acharner contre lui. S’étant rendu à Bruges, en 1113, il s’y montra en habit de moine, quoiqu’il fût laïque ; chassé de cette ville, il continua ses prédications à Anvers et dans le pays environnant, mais, au moment où il s’embarquait eu Zélande, un prêtre le frappa à la tête d’un coup mortel (1115). Ce fut pour faire disparaître les traces laissées par ce Tanchelin que l’on fonda à Anvers, en 1124, une abbaye de l’ordre des Prémoutrés, ordre récemment fondé par saint Bernard et qui se consacra surtout à la prédication et à l’exercice des autres devoirs pastoraux. Cet institut se répandit rapidement dans les Etats du duc Godefroid, où en quelques années on vit naître successivement les monastères du Parc, près de Louvain (1129), de Grimberghe (1132), de Tongerloo (1133), d’Heylissem (1133) et d’Averbode (1135). Il est à remarquer que ces fondations furent plutôt le fait de vassaux ou d’officiers du duc que du prince lui-même, car Parc dut ses commencements à un maire de Louvain, nommé Tietdelin ; Grimberghe aux Berthout, les seigneurs de cette localité, Heylissem à René de Zétrud, Averbode aux comtes de Looz.

Godefroid était parvenu, à cette époque, à l’apogée de sa puissance. Assuré de l’amitié de l’empereur Henri et de l’évêque de Liège, allié au Hainaut, que gouvernait un de ses vassaux, Godefroid d’Aerschot, devenu l’époux de la veuve du comte Baudouin, le duc avait noué des rapports intimes avec le roi d’Angleterre Henri Ier. En 1121, ce monarque épousa, en secondes noces, sa fille Aleyde, qui se fit aimer par ses vertus et qui protégea ouvertement la littérature naissante des trouvères. Mais, eu 1125, Henri V mourut, et le trône impérial fut disputé par deux compétiteurs : Lothaire de Saxe, qui parvint à l’emporter, et