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Ernest, archevêque-électeur[1]. Celui-ci, qui gouvernait en même temps l’église de Liège, obtint pour lui, le 23 février 1601, la même faveur du chapitre de Saint-Lambert ; des démarches analogues réussirent également à Munster, à Hildesheim et à Paderborn, si bien que Ferdinand se vit en perspective titulaire de cinq évêchés, sans compter l’abbaye de Stavelot. Toutes ces dignités lui échurent en 1612. Quelques historiens prétendent qu’à cette époque le chapitre de Saint-Lambert l’élut à l’unanimité ; c’est une inadvertance : la succession du prélat défunt lui avait été réservée ; l’élection du 18 février le pourvut simplement d’un canonicat[2]. Ferdinand prit possession de la principauté épiscopale de Liège le 12 mars, jura la capitulation dressée par le chapitre et désigna sans retard les hauts fonctionnaires de l’État. Au bout de peu de jours, il se rendit à Francfort pour y assister au couronnement de l’empereur Mathias ; on ne le revit à Liège que le 17 janvier 1613, date de sa Joyeuse entrée, laquelle fut célébrée avec autant de pompe que celle d’Ernest[3].

Ferdinand résida presque toujours en Allemagne, où il vit commencer et finir la fameuse guerre de Trente ans. Nous ne pouvons l’y suivre : la part qu’il prit aux affaires de Liège nous intéresse seule ici. Disons-le tout d’abord, les rares apologistes de ce prince sont eux-mêmes forcés de convenir que les annales de la cité n’ont pas eu à enregistrer un règne plus désastreux que le sien. Dans quelques circonstances graves, il ouvrit en personne la journée des États ; mais le plus souvent, gouvernant le pays par correspondance et s’en rapportant à son conseil privé, il ne fut pas en mesure d’apprécier les ménagements qu’il devait à un peuple jaloux de ses antiques libertés et peu disposé, en somme, à servir d’instrument à la politique allemande. La France, aux aguets, mit à profit cette situation pour se créer à Liège un parti puissant : finalement la guerre civile éclata, persistante et acharnée, pour n’aboutir, sous le règne suivant, qu’au triomphe de l’absolutisme sur la démocratie épuisée.

Les premiers conflits furent provoqués par le rétablissement du règlement de Heinsberg sur les élections magistrales : les péripéties en ont été résumées dans les articles Beeckman et Ernest de Bavière. Ajoutons seulement que dès le 23 juillet 1613, à la veille des comices, Ferdinand souleva, de la part des bourgmestres, une opposition violente en publiant un mandement où des peines sévères étaient comminées contre ceux qui s’aviseraient de troubler l’ordre public, ce qui ne s’était vu que trop fréquemment en pareille circonstance. La mesure pouvait être bonne en elle-même ; mais on contestait au prince le droit de la prendre seul : le conseil en vota l’annulation. Cette résistance inattendue irrita d’autant plus le nouveau souverain, qu’il se tenait pour sûr que les bourgmestres avaient encouragé le tiers à refuser un impôt de cinq patars sur les voirières (fenêtres), tout récemment demandé aux États. Il se dit qu’Ernest avait agi imprudemment, en faisant de larges concessions aux métiers dans son règlement de 1603 ; que l’autorité suprême resterait paralysée tant qu’elle ne recouvrerait pas l’influence directe que le règlement de 1424 lui avait assurée dans les élections ; enfin, que l’empereur seul était assez puissant ; pour ordonner le retour à l’ancien ordre de choses Mathias obtempéra sans hésitation au désir du prélat ; mais le peuple ne fit nulle attention au rescrit impérial : les élections de 1614 eurent lieu dans la forme adoptée en 1603. Nouveau diplôme, accueilli comme le précédent. Alors Ferdinand passa le Rubicon : accumulant griefs sur griefs, il dénonça les bourgmestres à la chambre impériale de Spire. Pouvait-il tolérer

  1. Il avait donc alors environ dix-sept ans, et non pas onze ans seulement, comme on l’a imprimé par erreur dans l’article Ernest.
  2. Conclusions capitulaires. — Daris, t. I.
  3. La joyeuse entrée de Ferdinand de Bavière à Liège, par M. L. Poltain (Récits hist., 4e éd., p. 311 et suiv.).