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Pendant la révolution brabançonne, il ne se montra pas moins patriote ardent que prêtre zélé, et défendit les libertés civiles et religieuses de son pays avec le talent d’un homme d’État et la foi d’un apôtre. De même que son ami Ghesquière, dans la lutte contre les empiétements de Joseph II, déduisait avec une grande vigueur de dialectique le droit d’insurrection, l’omnipotence des représentants, la souveraineté du peuple, Feller soutint que les états sont institués pour connaître des abus et des actes arbitraires du pouvoir ; que leurs mandats sont suffisants, et il trouva, à l’appui de sa thèse, des arguments que, malgré notre estime du régime représentatif, nous ne pouvons nous empêcher de trouver d’une audace exagérée. Ses adversaires reconnaissaient que ses convictions étaient sincères et sa plume désintéressée ; mais ils ne lui pardonnèrent point les coups qu’il leur portait. Feller voulant faire une nouvelle édition du Dictionnaire historique, les libraires de Bruxelles furent rassemblés, le 25 août 1789, et on leur lut un décret portant bannissement des États de l’empereur contre tout éditeur qui recevrait une souscription à cet ouvrage. De Liége, où une révolution survint également, Feller passa à Maestricht ; mais à l’approche des armées françaises, il se retira à Paderborn (1794) où il passa deux ans, retenu par l’évêque, qui lui confia le ministère de l’enseignement dans son collége. Il se rendit ensuite à l’invitation du prince de Hohenlohe, qui résidait à Bartenstein et se fixa, en 1797, chez le prince-évêque de Freysingen, à Ratisbonne. L’accueil qu’il reçut dans cette ville l’engagea à résister aux instances qu’on faisait auprès de lui pour l’attirer en Italie et en Angleterre. Attaqué d’une fièvre lente, il y mourut moins d’un an après, usé par le travail et pauvre, mais consolé par la religion, à laquelle il avait dévoué sa vie.

À quelque point de vue qu’on se place, Feller ne fut pas un esprit ordinaire. Sa grande facilité au travail favorisa ses études, lui permit d’embrasser sans eifort une fou’e de sujets et d’acquérir une prodigieuse érudition. Ses écrits révèlent tous un esprit net, foncièrement logique, allant droit au but et ne se souciant que médiocrement des circonlocutions et des ménagements. Son style, clair et vigoureux, élégant parfois, parfois non dépourvu d’élévation, a quelque chose cependant de l’âpreté de l’Ardenne. Adversaire déclaré des encyclopédistes, Feller les dénonça avec une impitoyable énergie et il s’attira de leur part des attaques auxquelles il ripostait par des traits mordants et acérés. Maigre, d’une taille moyenne et d’une complexion délicate, il avait la physionomie très mobile, et la vivacité de son œil décelait celle de son esprit. « Il avait, dit M. de Stassart, de nombreux amis et plaisait dans le monde par une amabilité soutenue, une bonhomie charmante et une érudition qu’il savait rendre si attrayante qu’elle ne fatiguait jamais. »

Il nous est impossible de citer toutes les productions de Feller dont la nomenclature n’occupe pas moins de douze colonnes dans le tome 1er de la Bibliothèque des écrivains de la compagnie de Jésus, et cinq dans le supplément (tome VII) ; mais nous devons mentionner, en passant, les ouvrages qui ont fixé sa réputation : Catéchisme philosophique ou Recueil d’observations propres à défendre la religion chrétienne contre ses ennemis. Liége, 1772. Ouvrage très-estimé des théologiens, dans lequel l’auteur a fait preuve d’un grand talent, que l’on peut encore relire avec fruit aujourd’hui et qui fut traduit eu allemand, en hollandais, en italien et en anglais. — Journal historique et littéraire. Luxembourg, 1774-1788, et Liége, 1789-1794, 60 volumes in-12. Il en paraissait deux cahiers par mois. Dès 1770, Feller avait travaillé à la partie littéraire de ce journal qui portait le titre de Clef du Cabinet. Le journal eut la plus grande vogue dans les Pays-Bas et en Allemagne. On y trouve des dissertations intéressantes sur divers points de théologie, de physique, d’histoire, de géographie et de littérature. — Discours sur divers sujets de religion et de