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qu’il y ait dans l’agencement des arbres, dans l’effet à obtenir, ne sera jamais à la hauteur du moindre coin de campagne copié sur place. Il y manquera toujours ce certain je ne sais quoi qui fait qu’on reconnaît un site sans l’avoir jamais vu, comme on est sûr que certains portraits sont ressemblants quoiqu’on ne connaisse pas les originaux. Cela n’empêche qu’on appréciera, dans les œuvres de Bril, avec quelle adresse sont placés là, au premier plan, ces grands chênes, ces hêtres sombres qui doivent servir de repoussoir; combien chaque arbre convient à chaque terrain, combien chaque scène convient à chaque site; on admirera cette habile dégradation, cet air qui circule partout, la profondeur ombreuse de ces bois, puis, avant tout, ces lointains inimitables qu’on aperçoit à travers une vapeur légère, souvenir de la patrie éloignée. On louera avec raison ce feuillé savant, ce dessin sévère dans les arbres, cette hardiesse avec laquelle, lui le premier, abaissa l’horizon, nous faisant voir la nature de plus près et non plus du haut d’un obervatoire aérien. Son invention était des plus riches, il possédait au plus haut degré le sentiment du pittoresque; quoi qu’on ait pu dire, jamais il n’imita ni Carrache, ni Titien; il est probable que la vue de leurs œuvres grandioses et de celles de tant d’autres illustres Italiens qui l’entouraient, exerça une naturelle et inévitable influence sur son imagination et firent comprendre à son génie dans quelle voie il devait marcher; mais Bril resta toujours lui-même; comme l’a dit fort bien un de ses biographes : « On l’imita beaucoup, mais il n’imita personne. » Ses fresques étaient, en général, largement traitées et ses tableaux de chevalet terminés avec un soin minutieux, surtout à la fin de sa carrière; il devina le paysage historique et l’ébaucha s’il ne le créa pas. C’est lui qui introduisit dans les sites ces ruines si poétiques qui furent plus tard imitées avec tant de succès. Enfin, si nous voulons être justes envers Paul Bril, songeons à l’état du paysage comme genre, à l’époque où il vivait; songeons qu’il en fut presque le créateur; pour des yeux non prévenus, il fut l’initiateur de Claude Lorrain et même du Poussin; le Lorrain descendait directement de lui par le seul intermédiaire de son élève Tassi. Paul Bril, en un mot, eut à faire pour le paysage ce que firent les successeurs des gothiques pour l’histoire. Ses tableaux remplissent l’Italie et ornent les principaux musées de l’Europe. Ceux de Belgique, sa patrie, n’en ont qu’un, au musée d’Anvers; c’est un fin tableau de la dernière manière du peintre, traité avec un soin merveilleux. Il est connu sous le nom de l’Enfant prodigue; une des principales figures de ce paysage varié et animé, est un berger à l’air triste, qui garde des pourceaux et qui doit représenter l’Enfant prodigue. A Paris, une Chasse aux canards, belle et attrayante composition, dont les figures passent pour être d’Annibal Carrache; Diane et ses nymphes, même observation que pour le précédent dont il est le pendant; les Pêcheurs, signé : Pa. Brilli, 1624; Pan et Syrinx, figures de Carrache ou du Josépin, et quatre autres paysages; à Berlin, le Forum; Chasse au sanglier; la Tour de Babel, et deux autres paysages; à Munich, Guérison du possédé; et un Paysage avec vue sur la mer; à Dresde, Sainte Famille dans un paysage; le Jeune Tobie, dans sa dernière manière; signé : Pavolo Brilli f. 1624; Paysage avec ruines, daté de 1600, et plusieurs autres; à Madrid, deux paysages avec figures; à Florence, Saint Paul dans le désert; Chasse au sanglier, que Goethe trouvait un des chefs-d’œuvre de l’auteur; le Triomphe de Psyché, dans sa dernière manière, et autres; à Rome, au palais Doria, cinq tableaux dont deux ont des figures de Carrache, un Christ au Calvaire et Diane et Calisto; à Naples, un Baptême de Jésus-Christ, et un singulier tableau qui représente Sainte Cécile jouant du clavecin. Citons encore Milan, Mayence, Fontainebleau, Amsterdam, comme possédant également des œuvres du maître. Un détail assez intéressant, noté par M. Alex. Pinchart, c’est que Philippe II, duc de Poméranie et de Stettin, possédait, en 1617, trois miniatures de Paul Bril : la Visitation, la Tentation de Jésus au