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négociations de Passau, il avait pris une mesure qui devait être particulièrement agréable à la nation germanique, car elle lui donnait satisfaction sur un point auquel elle attachait une extrême importance : il avait institué un conseil d’Allemands pour vaquer aux affaires de l’Empire. Il écrivit à cette occasion à son frère : « Afin que l’on voie que ce que je n’ai voulu faire jusqu’à présent, pendant que les adversaires avaient les armes au poing et que j’étais désarme, et afin qu’ils ne puissent dire de m’y avoir forcé, je le veux faire maintenant qu’ils sont loin et que je vais avoir mes forces ensemble[1]. » Il s’était propose de donner pour chef à ce conseil le cardinal de Trente; sur les observations du roi des Romains, il mit à sa tête l’électeur de Mayence[2].

La reine Marie le sollicitait vivement de s’approcher des Pays-Bas. Ces provinces avaient couru de grands dangers et subi des pertes importantes. Henri II, après s’être emparé de Metz, de Toul, de Nancy, et avoir tenté de surprendre Strasbourg, avait ramené son armée vers la Moselle ; il était entré dans le Luxembourg; Rodemacheren, Damvillers, Ivoix, Montmédy s’étaient rendus presque sans résistance[3]; les châteaux de Lummen et de Bouillon avaient aussi ouvert leurs portes aux Français[4]. Satisfait de ces conquêtes, Henri avait licencié son armée; mais les hostilités continuaient sur les frontières du Hainaut et de l’Artois, et ce n’était pas là les seules préoccupations de la reine régente : Albert de Brandebourg, qui n’avait pas voulu adhérer au traité de Passau, venait de passer le Rhin à la tête de vingt mille hommes; les habitants de Trèves l’avaient reçu dans leurs murs; on lui prêtait le dessein de tirer vers le Brabant, pour le mettre à contribution[5].

Charles, dont les vues s’accordaient avec le désir de sa sœur, dirige toutes ses forces vers Strasbourg, où elles traverseront le Rhin sur le pont qui y est construit. Il visite Ulm, voulant témoigner aux habitants sa gratitude de la fidélité et de l’attachement qu’ils lui ont montrés pendant la dernière guerre. Il y reçoit les plaintes des évêques de Mayence, de Spire, de Würzbourg, de Bamberg, qui avaient été obligés de traiter avec le marquis Albert à des conditions très-dures; il casse les traités qui leur ont été imposés, et les autorise, les exhorte même, à recouvrer, l’épée à la main, ce dont ils ont été dépouillés. Il annule également le traité que la ville de Nuremberg s’était vue réduite à conclure avec le marquis[6]. A Strasbourg, où jamais il n’était allé encore, il est reçu solennellement par le sénat, auquel il donne des éloges pour la fermeté et la constance dont cette ville a fait preuve à l’approche des Français. Son armée ayant gagné la rive gauche du Rhin, il lui fait prendre le chemin de Landau par les Vosges et le duché de Deux-Ponts, tandis que l’artillerie descend le fleuve jusqu’à Coblence, pour remonter ensuite la Moselle. Une attaque de goutte le force de s’arrêter à Landau une quinzaine de jours. Pendant ce temps le duc d’Albe, qu’il a fait son capitaine général, se met en marche avec l’infanterie espagnole et italienne, deux régiments de lansquenets, la cavalerie légère et une partie de la cavalerie allemande[7]; le 16 octobre, le seigneur de Boussu, que la

  1. Lettre du 31 juillet, dans Lanz, t. III, p. 399.
  2. Lettre de Ferdinand du 5 août, dans Lanz, t. III, p. 413. — Lettre de l’ambassadeur Pandolfini à Côme de Médicis, du 5 septembre. (Arch. de Florence.)
  3. Rodemacheren le 27 mai, Damvillers le 11 juin., Ivoix le 23, Montmédy le 27.
  4. Dans sa correspondance avec Charles-Quint, Marie se plaint amèrement de la « lâcheté et méchanceté » de ceux à qui elle avait commis la garde de ces places (Lanz, III, 299). Elle ne peut comprendre surtout la reddition d’Ivoix : place si forte, si bien garnie de gens, de provisions et de munitions; où se trouvait en personne le comte de Mansfelt, gouverneur de la province; où il y avait, outre la garnison ordinaire, les bandes de chevaux de Mansfelt, de Berlaymont, de Bertranges, beaucoup de gentilshommes et de gens du pays de Luxembourg et cinq enseignes de piétons. (Lettre du 25 juin, aux Archives impériales à Vienne.)
       Suivant M. Alex. Henne, « l’incurie de l’administration et la pénurie du trésor contribuèrent pour beaucoup aux désastres que la reine rejeta exclusivement sur la lâcheté et la trahison. » (Histoire du règne de Charles-Quint en Belgique, t. IX, p. 219.)
  5. Al. Henne, loc. cit., p. 270.
  6. De Thou, liv. XI.
  7. Al. Henne, t. IX, p. 303.