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tion, puisqu’on n’était pas au bout de la diète[1].

A peine arrivée à Augsbourg, Marie entama avec le roi des Romains la délicate négociation dont elle s’était chargée. Dans les premiers pourparlers, Ferdinand se montra intraitable; il y eut même un jour où la reine le quitta toute fâchée, disant qu’elle ne voulait plus se mêler de rien, puisque, mal conseillé, il accordait moins de créance à elle, qui était sa sœur et n’avait d’autre but que l’établissement de leur maison, qu’à des ministres, ignorants et intéressés, lesquels, pour le faire luthérien, ainsi qu’ils l’étaient, ne se souciaient ni de sa ruine, ni de celle de ses royaumes[2]. Cette dissension ne fut toutefois pas de longue durée, Ferdinand, quelques instants après la sortie de la reine, lui ayant envoyé le roi son fils pour l’apaiser, et étant lui-même passé chez elle afin de lui expliquer les raisons qui le faisaient agir[3]. Ces raisons, celles qu’il alléguait du moins, étaient le serment qu’il avait prêté lors de son élection; qu’il ne se trouvait pas, depuis que l’Empire était venu aux mains des Allemands, que, du vivant de l’empereur et du roi des Romains, on eût élu une troisième personne pour leur coadjuteur; que cette élection serait contraire à la fois et à la coutume et à la bulle d’or; que rien n’en démontrait la nécessité; que les électeurs n’y consentiraient très-probablement pas, et que l’autorité et la réputation de l’empereur souffriraient de leur refus; que s’ils y donnaient leur consentement, comme contraints et forcés, il serait à craindre que plus tard ils ne le révoquassent, que même ils ne cherchassent alors un chef hors de l’Empire[4]. Ferdinand les trouvait d’un si grand poids qu’il demanda d’en conférer avec l’empereur lui-même. On ne peut se figurer la curiosité qu’excitait cette négociation parmi les diplomates présents à Augsbourg : mais, comme l’empereur, les rois des Romains et de Bohême et la reine douairière de Hongrie étaient, avec Granvelle, les seules personnes qui y eussent part, elle était enveloppée d’un secret qui faisait leur désespoir. Les ambassadeurs de Venise écrivent au doge le 10 janvier : « Nous sommes tous attentifs pour tâcher d’avoir quelque lumière de ce qui se négocie; mais les choses se passent entre Leurs Majestés seules, de manière qu’il n’y a personne à cette cour qui puisse se flatter d’en avoir connaissance avec certitude[5]. » Ils lui mandent encore le 1er février : « Dans l’affaire de la coadjutorerie tout se fait si secrètement que nul n’en peut savoir la moindre chose. Il n' a que Leurs Majestés et la sérénissime reine qui interviennent dans les pourparlers, et elles ne s’en entretiennent avec personne, sauf avec monsieur le révérendissime d’Arras. Deux fois ces trois Majestés ont été seules ensemble, et chaque fois plus de quatre heures »[6]. L’ambassadeur Marillac, dans une lettre du 8 janvier à Henri II, avoue aussi qu’on ne peut, sur ce qui se traite entre les membres de la maison impériale, former que des conjectures[7].

Cependant les princes et les états de

  1. Lettre du 16 décembre ci-dessus citée.
  2. «... Dopo l’ultime mie di xiii, si fù per rompere ogni pratica, havendo la regina preso licentia dal re de’Romani, con dirgli sopra mano che non voleva mai più travagliarsene, poichè, mal consigliato, prestava men fede a lei, che gli era sorella et mossa dallo stabilimento di casa loro, che alli suoi ministri ignoranti et interessati, i quali, per farlo, come egli sono, lutherano, non si curavano della rovina sua et di suoi regni... » (Lettre écrite à Côme de Médicis, le 19 janvier 1551, par l’évêque de Forli, aux Archives de Florence.)
  3. Lettre citée à la note précédente.
  4. Toutes ces raisons sont déduites dans une lettre de Ferdinand à Marie dont une copie existe aux Archives du royaume, Collect. de documents historiques, t. VIII, fol. 121.
  5. « Noi stiamo tutti intenti per veder di haver lume di questo maneggio; ma le cose passano tra le Loro Maestà sole, di modo che non vi è personnagio alcuno, in questa corte, che non confessa di non saperne nulla di questo negotio con fondemento. » (Reg. cité, fol. 95.)
  6. « Nel negotio de la coadjutoria ogni maneggio passa cosi secrettamente che non è persona che ne possi haver notitia di alcuna cosa, perché nelli ragionamenti non intraviene senon le Loro Maestà et la serenissima regina, le quali di questo si dice que non ragionano con alcuno, salvo che con monsignor reverendissimo d’Arras. Fin hora due volte queste tre Maestà sono state insieme loro sole più di quatro bore per volta. » (Ibid, fol. 163 v°.)
  7. Ms. cité, fol. 197.