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auprès de lui. À l’égard de la lenteur dans les négociations, il déclare que ce parti lui a toujours été avantageux. Il assure du reste l’assemblée qu’il sera désormais plus attentif à remplir ses devoirs. L’élection de nouveaux chevaliers se fait le 15 et le 16 janvier : vingt-deux places étaient vacantes; quatre sont conférées à des Espagnols, trois à des Italiens, trois à des Allemands, et les douze autres à des seigneurs des Pays-Bas[1]. Charles se rétablissait à grand’peine; mais son énergie lui fait surmonter sesdouleurs physiques, et, le 3 février, il se met en route pour la Gueldre : Wagheninghe, Arnhem, Zutphen, Nimègue, Venlo, Ruremonde, le reçoivent successivement dans leurs murs. Il va ensuite à Maestricht, où il reste une dizaine de jours, afin de terminer avec la reine Marie les affaires qui concernaient le gouvernement commis à ses soins; la reine l’avait accompagné dans tout son voyage. L’inquisition existait aux Pays-Bas depuis 1522; mais l’autorité civile n’avait jamais déterminé les formes que les inquisiteurs et leurs subdélégués devaient observer, non plus que l’étendue et les limites de leur juridiction : Charles signe à Maestricht une instruction très-détaillée qui a pour objet de combler cette lacune; il la termine par une recommandation destinée à prévenir des excès de zèle : « Les inquisiteurs, disait-il, se conduiront de manière à ne pas rendre impossible une œuvre aussi sainte qu’elle est difficile; ils ne se montreront pas trop exigeants; avant tout, ils s’appliqueront à redresser les abus qui ne pourraient être tolérés sans péril pour la religion, ou sans inconvénient pour la chose publique. Ils s’efforceront aussi de persuader à tout le monde que ce n’est pas leur profit, mais celui du Christ qu’ils cherchent, s’attachant seulement a purger les Pays-Bas de toute erreur et à les préserver de l’hérésie. » Une ordonnance impériale de la même date (dernier février 1546) enjoint à tous les conseils, justiciers et officiers de faire appréhender et garder en leurs prisons les personnes, ecclésiastiques ou laïques, que les inquisiteurs et leurs subdélégués leur dénonceront; de faire donner à ceux-ci toute aide et assistance sans délai ou difficulté quelconque, et sans souffrir qu’il leur soit fait aucun obstacle ou injure[2]. Le 2 mars Charles, ayant pris congé de la reine sa sœur, se dirige vers Ratisbonne par Liége, Aix-la-Chapelle, la Roche, Bastogne, Arlon, Montmédy, Luxembourg, Saarbruck et Spire. Il arrive à Ratisbonne le 10 avril.

Dans les précédentes diètes, Charles, ainsi que le remarque un historien, s’était efforcé de concilier les deux partis qui divisaient l’Allemagne, en recourant toujours à des voies de douceur et d’accommodement, à des éclaircissements réciproques entre eux; il y avait employé les écrits, les discussions publiques et toute son éloquence[3]. C’était avec des dispositions bien différentes qu’il allait inaugurer la diète de Ratisbonne. La négociation entamée, à Worms entre le pape et lui avait suivi son cours; un envoyé spécial de Paul III, Girolamo Dandino, évêque de Cassano, était venu aux Pays-Bas avec la mission d’y mettre la dernière main. Tout avait été réglé pendant le séjour de la cour impériale à Utrecht[4]. La résolution de Charles était prise. Il voyait qu’il fallait renoncer à l’espoir de ramener, par la persuasion, les protestants au giron de l’Église; qu’au contraire, le luthéranisme s’étendait de jour en jour en Allemagne; que de là il se propageait dans les Pays-Bas. Il considérait que, s’il n’en arrêtait point les progrès par des mesures énergiques, il ne pourrait plus s’éloigner de ces contrées, sans avoir à craindre qu’elles ne fussent bientôt tout entières en proie à l’hérésie. Les circonstances d’ailleurs semblaient le convier à agir contre les protestants; une trève avait été consentie par le Turc; François Ier continuait

  1. De Reiffenberg, Histoire de la Toison d’or, pp. 406-423.
  2. Correspondance de Philippe II sur les affaires des Pays-Bas, t. 1, pp. cxv-cxix.
  3. Kolrausch, Histoire d’Allemagne, p. 255.
  4. Trois années de l’histoire de Charles-Quint, pp. 107, 121.