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fait le contraire ; il s’en plaignit au pape lui-même, lui disant que, s’il voulait, comme sa dignité lui en imposait l’obligation, le rétablissement de la paix dans la république chrétienne, il devait se déclarer ouvertement contre le roi[1]. Sur ces entrefaites, Paul résolut d’envoyer des légats aux monarques rivaux, afin de les exhorter à poser les armes ; il désigna pour la France le cardinal Sadoleto, et pour l’Espagne le cardinal Contarini : ce dernier étant mort en chemin, il le remplaça par le cardinal de Viseu, portugais, de la maison de Silva. Charles n’en fut pas plus tôt informé qu’il signifia au nonce accrédité auprès de lui et fit savoir au pape son intention de ne pas recevoir le légat ; mais Viseu usa d’une telle diligence qu’on apprit, à la cour impériale, son arrivée à Barcelone en même temps que son départ de Rome ; il arriva à Monzon vers la fin de septembre. Ne pouvant s’excuser de lui donner audience, Charles lui fit comprendre tout d’abord qu’il avait fait un voyage inutile, et il le congédia dès le 3 octobre[2]. Il écrivit au pape que le persuader d’entendre à une nouvelle communication de paix était chose bien superflue, car Sa Sainteté devait tenir pour certain qu’une telle communication ne servirait qu’à accroître l’insolence de celui « qui ne se pouvait soûler de guerroyer et continuellement conciter et nourrir trouble en la chrétienté ; » que d’ailleurs on ne saurait avoir d’assurance quelconque que le roi de France observerait ce qu’il aurait promis, comme le montrait l’expérience des choses passées. Quant à lui, ayant reconnu que sa facilité et sa promptitude à se prêter aux négociations proposées par le saint-père avaient tourné à son préjudice, il était décidé à courir les chances d’une guerre ouverte, plutôt que de recommencer des pratiques de paix dont il n’avait à se promettre nulle conclusion raisonnable. Il terminait en sommant en quelque sorte le pape de se déclarer, comme il avait souvent dit qu’il le ferait, et de procéder en toute rigueur contre l’infracteur de la trève de Nice, contre le prince qui adhérait au Turc[3]. Ces lettres de l’empereur produisirent une grande sensation à Rome. Dans le sacré collége ses partisans étaient nombreux ; ils proposèrent que le gouvernement pontifical se confédérât avec lui et joignît ses forces aux siennes ; ils auraient même voulu que le roi de France fût déclaré ennemi commun et privé du titre de roi très-chrétien, puisqu’il se faisait l’allié de l’ennemi capital de la croix et du nom du Christ. Ces suggestions passionnées restèrent sans effet sur le pape : Paul III n’entendait point se départir de son système de neutralité ; il craignait, s’il rompait avec le roi de France, de voir se renouveler ce qui était arrivé à son prédécesseur avec Henri VIII[4]. Charles prit alors une mesure qui causa un vif mécontentement à la cour de Rome : les cortès de Castille lui avaient fait des doléances au sujet des pensions que la chancellerie romaine assignait sur les églises d’Espagne et des bénéfices dont elle disposait en faveur de personnes qui n’appartenaient pas à la nation : il promulgua une pragmatique statuant que nul étranger ne serait admis à l’avenir à jouir de bénéfice ni de pension dans ses royaumes[5].

Voyant qu’il ne pouvait compter sur le pape, Charles prêta l’oreille aux ouvertures que lui fit faire le roi d’Angleterre. Depuis quelque temps déjà, ses relations avec Henri VIII étaient redevenues amicales ; à Ratisbonne il avait été convenu, entre l’évêque de Winchester et le seigneur de Granvelle, que, dans le terme de dix mois, il serait avisé aux moyens de former une plus étroite confédération entre leurs maîtres[6]. Le 26 mars 1542 arriva à Valladolid l’évêque de Londres, qui venait remplacer l’ambassadeur anglais à la cour d’Espagne dans la première audience que l’empereur lui accorda, ce diplomate rappela la convention de Ratisbonne, et déclara que

  1. Lettre de Charles à Paul III, du 28 août 1542. (Papiers d’Etat de Granvelle, t. II, p. 633)
  2. Lettre de Charles au roi Ferdinand, du 9 Octobre 1542. — Journal de Vandenesse.
  3. Lettre du 29 septembre 1542. (Papiers d’Etat de Granvelle, t. II, p. 645.)
  4. Sandoval, liv. XXV. § XXVI.
  5. Sandoval, liv. XXV. § XXVI.
  6. Lettre de Charles-Quint à Eustache Chapuys, son ambassadeur en Angleterre, du 3 mai 1542.