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François Ier, informé de l’intention de Charles-Quint de traverser la France, s’était empressé de l’engager à y donner suite, l’assurant, en foi de prince, qu’il lui serait fait, dans son royaume, le même honneur, le même traitement qu’on ferait à sa propre personne[1]. Le connétable de Montmorency et le cardinal de Lorraine avaient joint leurs instances à celles de leur maître[2]. Le dauphin, à son tour, s’était associé au vœu et aux assurances du roi : il avait ajouté qu’il entretiendrait et observerait à jamais tout ce que son père aurait promis et accorée à l’empereur[3]. Des engagements aussi formels, si l’empereur avait eu quelque défiance, ne l’auraient pas laissé subsister dans son esprit, car, en les violant, François Ier se serait déshonoré aux yeux du monde entier. Charles fait donc ses dispositions de départ. Il commet au gouvernement de la Castille le cardinal archevêque de Tolède, don Juan de Tavera, et le grand commandeur Francisco de los Covos. Il nomme le comte de Morata, le duc de Calabre, le marquis de Lombay, D. Diego Hurtado de Mendoza, vice-rois respectivement d’Aragon, de Valence, de Catalogne et de Navarre. Par un codicille et une instruction qu’il laisse au prince son fils[4], il lui fait connaître ses vues sur les alliances matrimoniales à contracter entre les maisons d’Autriche et de France; il recommande particulièrement au prince, au cas que Dieu dispose de lui, ses pays d’embas et de Bourgogne, « ayant si bien et léalement toujours servi et tant souffert par les guerres passées et sa longue absence d’iceux; » il l’exhorte « à toujours préférer leur bien et contentement raisonnable au sien particulier. » Le 11 novembre il quitte Madrid. Il va visiter, en passant, la reine sa mère à Tordesillas. Le 21, à Valladolid, il prend la poste avec une suite peu nombreuse[5]. Entre Saint-Sébastien et Fontarabie il rencontre le duc d’Orléans; il trouve à Bayonne le dauphin, le connétable, le cardinal de Châtillon et plusieurs princes et seigneurs français. Le 1er décembre il couche à Bordeaux. Le roi et la reine l’attendaient à Loches avec une cour brillante; il y arrive le 12; il est accueilli par son beau-frère et par sa sœur de la manière la plus affectueuse. Le lendemain ils se mettent en chemin tous ensemble. Ils couchent au château de Chenonceaux le 13, à Amboise le 14, à Blois le 17, à Orléans le 20, le 24 à Fontainebleau, où de grandes chasses avaient été préparées : on savait que c’était le plaisir favori de l’empereur. Ils partent de Fontainebleau le 30. Le jour suivant Charles s’arrête au bois de Vincennes; il fait son entrée à Paris le 1er janvier 1540.

Les Parisiens étaient très-curieux de connaître le puissant empereur, le conquéant de Tunis, le monarque qui avait tenu leur roi captif : l’impression qu’il produisit sur eux répondit à l’idée qu’ils s’étaient faite de lui, et ils manifestèrent, par des démonstrations non équivoques, la joie qu’ils éprouvaient de voir réunis deux souverains dont l’inimitié avait coûté à la France tant de sang et de trésors. Charles passa six jours à Paris pendant lesquels le roi, la reine, les princes et toute la cour, rivalisant de prévenance pour sa personne, s’efforcèrent de lui procurer des distractions qui lui laissassent de son séjour dans cette capitale un souvenir agréable[6]. Le 7 il se remit en

  1. Lettre du 7 octobre. 1539. (Relation des troubles, p. 258.)
  2. Lettre de la même date. (Ibid., pp 260 et 261.)
  3. Lettre du 17 octobre. (Ibid., p. 273.)
  4. L’un et l’autre en date du 5 novembre 1539. (Papiers d’Etat de Granvelle, t. II, pp. 542 et 549.)
  5. Elle se composait du duc d’Albe, du Sr de Boussu, grand écuyer, de D. Pedro de la Cueva, maître d’hôtel, du seigneur de Rye, sommelier de corps, du comte d’Egmont, gentilhomme de la chambre, de D. Luis d’Avila, des Srs de la Chaulx, de Peloux, d’Herbais, des secrétaires Bave et Idiaquez, d’un médecin, d’un barbier, etc.
  6. Les historiens français rapportent, entre autres anecdotes sur le séjour de Charles-Quint à Paris, les deux suivantes. François, en présentant à l’empereur la duchesse d’Etampes, lui aurait dit : « Voyez-vous cette belle dame? Elle me conseille de ne point vous laisser partir d’ici que vous n’ayez revoqué le traité de Madrid; » et l’empereur lui aurait répondu : « Et bien! si l’avis est bon, il faut le suivre. » Un jour le duc d’Orléans, sautant sur la croupe du cheval de l’empereur et le tenant embrassé, se serait écrié : « Votre. Majesté Impériale est à présent mon prisonnier; » ce mot aurait fait tressaillir l’empereur. A quoi l’on ajoute que le dauphin, le roi de Navarre et le duc de Vendôme voulaient en effet arrêter Charles-Quint à Chantilly, dans une visitefaite à ce château du connétable.
        Ce sont là (pour nous servir d’une expression fort en vogue aujourd’hui) des racontars qui ne méritent pas de figurer dans des histoires sérieuses.