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d’Aragon : il se décide (14 mars 1516), malgré l’avis contraire du conseil de Castille, à prendre le titre de roi, que, sur les instances de l’empereur, le pape et le sacré collége venaient de lui attribuer. En recevant la nouvelle de la mort de Ferdinand, il avait annoncé à Ximenes son prochain départ pour l’Espagne : son intention était en effet de s’y rendre dans un court délai; il avait demandé aux états généraux des Pays-Bas, en ce moment assemblés à Bruxelles, une aide de quatre cent mille florins pour les dépenses du voyage. Mais l’état des affaires publiques vint retarder l’exécution de ses desseins. Avant de quitter les Pays-Bas, il avait à cœur de les mettre à l’abri de toute entreprise de la part de leurs voisins; dans cette vue, une alliance plus étroite avec l’Angleterre et la France lui parut nécessaire. Deux nouveaux traités, au second desquels l’empereur intervint, furent conclus entre lui et Henri VIII (19 avril et 29 octobre 1516). Les différends que pouvaient faire naître les prétentions de François Ier sur le royaume de Naples et la revendication de la Navarre par la maison d’Albret, furent ajustés par le traité de Noyon du 13 août, auquel Maximilien adhéra le 3 décembre; et le 11 mars 1517, à Cambrai, l’empereur, le souverain de la France et le successeur de Philippe le Beau et des rois catholiques contractèrent une ligue par laquelle ils se garantissaient mutuellement leurs États, s’engageaient à ne soutenir en aucune manière leurs ennemis extérieurs et intérieurs, à ce prêter une assistance réciproque, à ne faire de conquêtes que de commun accord.

La sûreté des Pays-Bas étant garantie par ces conventions diplomatiques, rien ne s’opposait plus à ce que Charles se rendît en Espagne. Il fait équiper dans les ports de Zélande la flotte destinée à l’y transporter. Il avait, au mois d’octobre 1516, tenu à Bruxelles un chapitre de la Toison d’or; dans cette assemblée, après les élections aux places vacantes, il avait été résolu que le nombre des chevaliers de l’ordre, fixé à trente et un par Philippe le Bon, serait augmenté de vingt, et que des vingt nouveaux colliers dix seraient à la disposition du chef et souverain, pour qu’il en pût gratifier des seigneurs espagnols. Le 16 juin 1517, Charles prend congé des états généraux à Gand; il leur déclare, par l’organe de son chancelier, que son cœur demeurera avec eux; qu’entre tous ses sujets, les Belges lui seront toujours les plus chers; il ajoute, de sa bouche, que si les états lui conservent l’affection dont ils ont donné des marques jusque-là, il leur sera bon prince. Pendant plus de deux mois les vents contraires le retiennent en Zélande. Le 6 septembre enfin il s’embarque avec la princesse Éléonore, sa sœur aînée, et le 8 il fait voile de Flessingue, laissant, pour gouverner les Pays-Bas pendant son absence, un conseil privé dont il nomme chef Claude Carondelet (Voy. ce nom). Sa traversée n’est pas favorisée par le temps; il est obligé d’aborder, le 19 septembre, au petit port de Tanzones dans les Asturies. Le 4 novembre il arrive à Tordesillas, résidence de la reine sa mère et de la plus jeune de ses sœurs, l’infante doña Catalina; il y fait célébrer un service pour son père en l’église de Santa Clara, où le corps de Philippe le Beau était déposé. Sur ces entrefaites, Ximenes, qui avait quitté Madrid pour venir le joindre et était tombé malade en route, meurt dans le bourg de Roa (8 novembre). Charles prend congé de sa mère, et le 18 il fait son entrée à Valladolid, accompagne de l’archiduc Ferdinand, qui était venu à sa rencontre à Mojados. Huit jours après, en l’église de San Pablo, il honore de sa présence la remise du chapeau à Adrien d’Utrecht que, avant son arrivée en Espagne, il avait nommé évêque de Tortosa, et que Léon X venait de créer cardinal. Le 12 décembre il convoque les cortès.

Bien des gens en Castille avaient vu avec mécontentement que Charles se fût attribué le titre de roi alors que la reine doña Juana était en vie. Les cortès lui reconnaîtraient-elles ce titre? et lui prêteraient-elles serment, s’il ne jurait au préalable d’observer les lois et priviléges du royaume, ceux nommément qui excluaient les étrangers des charges, digni-