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sence de cette extrême divergence d’opinions et surtout en l’absence de toute preuve réellement historique, on ne saurait se prononcer avec quelque certitude sur le lieu où Charlemagne vit le jour. On le peut d’autant moins qu’Éginhard lui-même, Éginhard qui fut l’ami et le confident du grand homme et qui certainement n’a pu manquer d’aucun moyen d’être bien positivement renseigné, garde au sujet de ce mystère le plus profond silence. Dès lors on ne peut raisonnablement regarder comme la terre natale de notre héros que la contrée où sa famille était fixée et connue depuis Pepin de Landen, et cette contrée est la Belgique actuelle.

On rapporte généralement la naissance de Charlemagne à l’an 742, d’après une indication fournie par Éginhard (Vit. Karo. cap. xxxi), bien que d’autres chroniques indiquent l’an 743 et même l’an 747. Mais le jour où il vint au monde est resté incertain. C’est évidemment à tort qu’on le fixe au 28 janvier, cette date étant celle de la mort de l’empereur, cette naissance spirituelle dont l’Église fait, dans tous ses martyrologes, le commencement de la véritable existence de l’être créé. C’est peut-être aussi à tort que Mabillon (de Re diplomatic. Supplem., cap. ix) indique le 2 avril, en tirant d’un calendrier, dressé à Lorsch, au IXe siècle, une conclusion au moins hasardée. Le 26 février, donné par les Annales de Fulde, n’a pas plus un caractère de certitude que la date du 27 juillet et celle du 28 ou du 29 décembre, où certaines églises ont coutume de célébrer l’anniversaire de Charlemagne.

Mais, quels que soient le lieu, l’année et le jour où il naquit, il fut le fils aîné du roi Pepin le Bref et de Berthe, ou Berthrade, qu’on disait fille d’un leude nommé Héribert et désigné comme comte de Laon dans une charte octroyée par Pepin lui-même à l’abbaye de Prüm. Cependant, comme si tout devait être mystère autour du berceau de Charlemagne, l’origine même de sa mère est entourée de ténèbres. En effet, d’après des traditions réelles, mais altérées par le temps, ou d’après des inventions qui, du reste, ne purent manquer de suppléer au silence inexplicable, si non prémédité, d’Éginhard, Berthe nous apparaît, au XIIIe siècle, comme fille de roi, et elle devint, sous le nom de Berthe au grand pied, l’héroïne d’une légende sur laquelle les poëtes de cette époque ont tant exercé leur imagination.

L’histoire ne nous a guère transmis de renseignements sur les premières années de notre héros. Éginhard lui-même déclare qu’il ne sait pas le moindre mots sur les premières années de son maître, et qu’il serait superflu de chercher quelque détail sur cette période de sa vie (Vita Karoli, cap. iv) ; déclaration qui doit d’autant plus nous surprendre que l’écrivain vivait à une époque où rien n’était plus aisé de recueillir à ce sujet des renseignements positifs. Mais soit. Ici encore la légende est venue en aide à l’histoire. Nous lisons dans la fabuleuse chronique de Turpin (cap. 12) que Charlemagne, étant jeune encore, passa quelque temps à Tolède, où il apprit la langue sarrazine. D’autres nous le représentent comme un prodige d’intelligence et de savoir, et l’ornent de toutes les qualités d’un clerc accompli. La vérité est que son instruction et son éducation ont dû se borner à ce qui constituait l’instruction des princes et des fils des leudes franks, c’est-à-dire à savoir manier les armes, à savoir dompter un cheval et à se préparer à conduire une armée sur le champ de bataille en s’exerçant à diriger une meute à la chasse dans les forêts. Aussi bien ce fut seulement à une époque passablement avancée de sa vie qu’il fut initié par Pierre de Pise à la connaissance de la grammaire, par Alcuin à celle de la rhétorique et de la dialectique et que non-seulement il se familiarisa avec la pratique de la langue vulgaire et de la langue latine au point de pouvoir s’exprimer également bien dans l’une et dans l’autre, mais encore avec le calcul astronomique. Cependant sa main resta toujours plus ou moins rebelle à l’écriture, malgré les efforts qu’il ne cessa de faire jusqu’à la fin de ses jours pour acquérir quelque habileté dans cet art. Quant à la