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notre compatriote étaient donc récompensés; comme première conséquence de son succès, il fut mandé près de Joséphine, qui l’honora de sa protection, lui commanda des travaux pour ses salons et le nomma un de ses peintres. « C’est à ce titre, dit un écrivain contemporain, qu’il eut le droit d’offrir à Madame Bonaparte, en l’an xii, à l’occasion du 18 brumaire, un tableau dont nous trouvons la description dans le Journal de Paris (19 brumaire an xii). » Nous reproduisons cette curieuse description qui résume, en quelques lignes, le goût de l’époque. « Le premier consul est représenté assis au bord de la mer; il s’appuie sur un globe et porte ses regards vers l’horizon où l’on aperçoit l’Angleterre couverte d’un orage menaçant. Au-dessus du premier consul, dans un ciel brillant, sont les trois Parques, maîtresses des destinées des mortels. L’une d’elles, la plus terrible des trois, Atropos, est endormie; l’Humanité, cachant dans son manteau des enfants effrayés, la couronne de pavots; un génie en présente une vaste corbeille. La Parque cruelle dort d’un sommeil profond et Lachésis continue à filer des jours de gloire. Le citoyen Van Brée, ajoute le même journal, est un peintre encore jeune et de la plus grande espérance. Il réunit dans ses compositions, au beau style de la nouvelle école française, le coloris de l’école flamande. »

Cet hommage rendu par Van Brée au soleil levant, lui valut davantage encore la faveur de Bonaparte; il esquissa rapidement les Manœuvres de la flotte française sur l’Escaut, devant Anvers; ce tableau fut présenté à celui qui était devenu l’Empereur Napoléon et qui, lui-même, remit, à Van Brée une bague magnifique comme témoignage de sa satisfaction. Si notre artiste avait eu moins à cœur l’amour du sol natal et les affections de famille, on le voit, il était sur le chemin de la gloire et de la fortune; mais Van Brée était vraiment Belge, il brillait du désir de revoir les siens, et, en 1804, il revint dans sa ville natale. Joséphine n’oubliait pas ceux à qui elle accordait sa protection; Van Brée put bientôt s’en convaincre. Le préfet d’Herbouville venait de réorganiser les cours de l’Académie dont la direction avait été confiée à Guill. Herreyns. Van Brée, à peine arrivé à Anvers, fut nommé premier professeur, et, à partir de ce moment, commença pour lui cette carrière laborieuse, utile, glorieuse et dévouée avant tout, qui lui méritera toujours la reconnaissance de sa patrie. Il est possible, comme on l’a dit, que si Van Brée se fût appliqué constamment à la peinture, à se perfectionner dans son art, si dans ce but il eût visité l’Italie au début de sa carrière, il est possible, disons-nous, qu’il aurait atteint, comme peintre, une valeur plus considérable; mais du moment où il devint professeur à l’Académie, il s’oublia lui-même pour ne plus songer qu’à ses élèves. En 1817, l’Académie reçut le titre de royale; Van Brée fut alors confirmé dans ses fonctions de professeur. L’année précédente il avait été nommé membre de l’Institut néerlandais; il fut choisi, par ses compatriotes, en 1817, pour occuper un siége à la commune, et, quelques mois après, il accompagna Ommeganck à Bruxelles pour faire restituer, par le bourgmestre de cette ville, une Sainte Famille d’Otto Venius, enlevée en 1794 à la cathédrale d’Anvers. La mission de nos artistes fut couronnée de succès. Peu de temps après, le prince d’Orange, plus tard Guillaume II, nomma Van Brée son peintre ordinaire. En 1827, lors du décès d’Herreyns, Van Brée remplaça celui-ci comme directeur de l’Académie et il occupa cette place jusqu’à sa mort. Notre peintre avait, dès 1821, réalisé son rêve d’artiste en allant visiter l’Italie; il en rapporta une ample moisson d’esquisses, de dessins, et écrivit le journal de son voyage. Ajoutons à cette occasion que Van Brée s’occupait de littérature : il produisit quelques pièces de théâtre, tragédie, comédie et drame, où les intentions étaient excellentes, les pensées nobles, le sentiment national très-prononcé, mais dont la forme laissait beaucoup à désirer. Il ne nous appartient pas d’être sévère à ce sujet, puisque ces