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marché, à Bruxelles, lorsque Jean Hinckaert, l’un des sergents de l’ammanie, y arrêta un particulier que l’on accusait d’avoir tiré son couteau, et lui prit son épée. Van Pede et ses compagnons arrachèrent l’arme à Hinckaert et le blessèrent. Cette affaire aurait pu avoir des suites graves, si le comte de Nassau n’avait usé de son influence en faveur de ses « ouvriers » (wercklieden) ; grâce à lui, ils en furent quittes pour une amende de soixante couronnes de vingt-quatre sous (ou dix-huit livres de gros). Nous ne citons cette anecdote que pour faire remarquer combien le caractère énergique, violent même de Van Bodeghem, se révèle déjà dans cet incident de sa jeunesse.

Les fonctions importantes auxquelles notre artiste fut bientôt appelé témoignent de l’estime que l’on avait conçue pour ses talents. Il fut nomme arpenteur ou mesureur juré du duché de Brabant : une première fois, avec Jean De Raet, le 13 mai 1507 ; une seconde fois, le 16 mars 1517-1518 ; après avoir été, à deux reprises remplacé en cette qualité par Jean van Aelst : d’abord le 5 juin 1512, puis le 18 mars 1517-1518, il résigna ces fonctions en faveur de Michel van Veenen (le 1er mars 1524-1525). A la mort d’Antoine Kelderman, il devint maître des maçonneries ou architecte du prince en Brabant et dans le pays d’Outre-Meuse, au traitement annuel de 20 livres de gros (commission en date du 13 octobre 1512, confirmée le 15 décembre 1515), et conserva cet emploi jusqu’à sa mort ; il eut pour successeur Pierre van Wynhoven. Henri van Pede, alors architecte de la ville de Bruxelles, lui fut donné pour lieutenant ou suppléant le 27 février 1525-1526.

De cette époque datent les travaux qui assignent à Van Bodeghem une place considérable dans nos annales architectoniques. Kelderman avait commencé le bel édifice, appelé la Maison du Roi ou Maison au Pain (Broothuys), qui fait face à l’hôtel de ville de Bruxelles ; Van Bodeghem en continua la construction ; ce fut lui qui fit le plan de la distribution intérieure, mais il ne put continuer à s’occuper de cet édifice avec assiduité, Marguerite d’Autriche, gouvernante générale des Pays-Bas, ayant jeté les yeux sur lui pour une tâche plus grandiose. Son ami Van Pede prit alors la direction des travaux de la Maison du Roi, qu’il conduisit jusqu’à leur entier achèvement.

M. Baux, l’archiviste du département de l’Ain, est le premier qui restitua à Van Bodeghem l’honneur d’avoir construit la basilique de Brou, tandis que d’autres écrivains français attribuaient cette gloire à Jean Perréal, de Paris. On soutint que celui-ci composa les dessins de l’église et du couvent adjacent, dirigea et mena à entier achèvement l’édification des bâtiments claustraux et commença l’église, qu’il fut forcé d’abandonner, ayant été appelé en France pour le service du roi. Van Bodeghem, à ce que l’on ajoute, se borna à reculer de quelques pieds le tracé ordonné par son prédécesseur pour le creusement des fondations ; Marguerite resta si éprise des dessins de Perréal que par son testament elle ordonna, dans le cas où elle ne vivrait pas assez longtemps pour voir l’édifice terminé, d’en suivre les indications après sa mort.

L’erreur de ceux qui ont soutenu cette thèse est évidente. L’aspect seul de l’église de Brou leur donne un éclatant démenti. En effet, ainsi que le fait remarquer un écrivain français, c’est une œuvre flamande dans son ensemble comme dans ses détails. « Le voyageur qui a visité Anvers, Bruges, etc., reconnaît sur le champ la parenté de l’église de Brou avec les constructions de style flamand. Les églises de notre voisinage qui se rapprochent le plus de son époque n’ont aucun des caractères spéciaux qui distinguent l’église de Brou. Celle-ci est tout à fait à part, avec ses ouvertures en cintre surbaissé, sa colonne coudée, sa fusion du lobe et de la pyramide tangente à l’ogive, ses colonnes divisées en deux parties par des colliers, le pignon suraigu de sa façade, dont les côtés sont composés de deux courbes chacun et qui cache le toit par son développement. »

Les pièces officielles confirment pleinement l’opinion de M. Baux. On lit en