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cées sous son commandement. Aussitôt après leur reddition, il partit pour Liége, où il se fit recevoir dans le métier des cloutiers, afin d’y acquérir le droit de bourgeoisie.

C’était là, pour les esprits clairvoyants, un indice certain du coup qu’il préparait. Le 10 juin, Frédéric-Henri avait investi Maestricht ; le 18 Henri de Bergh fit paraître une proclamation où, en sa qualité de mestre de camp général, il appelait les officiers et les soldats de toute nation, les espagnols exceptés, à venir servir sous sa charge, les assurant qu’ils seraient payés avec exactitude et tout autrement traités qu’ils ne l’avaient été jusque-là ; promettant le grade de capitaines, avec le pouvoir de choisir leurs officiers, aux lieutenants qui amèneraient deux cents hommes à pied ou cent chevaux. Il envoya cette proclamation aux états des provinces et aux magistrats, des principales villes des Pays-Bas catholiques ; il l’adressa aussi à l’infante Isabelle. Aux états et aux magistrats il exposait les sujets de mécontentement que lui avaient donnés les Espagnols : il se plaignait qu’on eût réduit les garnisons des places de son gouvernement, et que par là on l’eût mis dans l’impossibilité de défendre celles-ci ; il alléguait le mauvais traitement qu’il avait reçu en récompense de quarante années de fidèles services rendus au roi. Il disait que les Espagnols lui voulaient « mal de mort », ayant fait tirer sur son portrait qui était dans une des rues de Bruxelles, et ayant empêché qu’on ne lui remît la lettre par laquelle le roi lui offrait le commandement de la cavalerie en Espagne. Il exprimait, après cela, l’espoir que les provinces et les villes contribueraient volontiers à l’accomplissement de son dessein qui ne tendait qu’à leur faire obtenir une bonne paix ; qu’elles se dégoûteraient du mauvais gouvernement des Espagnols, et que partant elles trouveraient convenir, pour le plus grand bien et repos du pays, de prendre un autre pied sous le gouvernement de la sérénissime infante. Il donnait à entendre, en terminant, que « des rois et princes » étaient disposés à coopérer avec leurs forces au succès de son entreprise[1]. A l’infante il faisait aussi ses plaintes de la manière dont il avait été traité ; de ce que, pour lui ravir l’honneur, on avait dégarni les places de son gouvernement, de la mauvaise administration du pays : « C’est une chose honteuse, lui disait-il, qu’il faille que des étrangers espagnols fassent la loi aux seigneurs naturels du pays ; il n’est pas possible de supporter que ces arrogants et superbes possèdent les principales charges de la Flandre, et que la propre noblesse en soit éloignée et tout à fait exclue. Leur insolence est venue à un tel point qu’ils tiennent à présent le pied sur la gorge, non-seulement de la noblesse, mais encore sur celle de tout le pauvre peuple, le sang duquel ils sucent pour s’enrichir et augmenter leurs trésors et richesses. » Il lui rappelait que les Espagnols étaient la seule cause de la continuation de la guerre, qui entraînait la ruine totale du pays, le mépris de la religion catholique et l’accroissement des Provinces-Unies. « Je sais bien, ajoutait-il, que Vostre Altèze n’est nullement cause de ces désordres, et qu’elle souhaiteroit, aussi bien que moi, que les choses allassent d’un autre air et d’une meilleure façon. Il seroit à propos, pour la conservation de vostre autorité, que les Pays-Bas changeassent de gouvernement et que les Espagnols, quittant l’administration, la laissassent entre les mains de Vostre Altèze Sérénissime[2]. » Quant à lui, voyant tous ses soins et toutes ses bonnes intentions si mal récompensées, il avait pris le parti, pour fuir la persécution et se soustraire à la tyrannie, de se retirer dans la ville de Liége, où il attendrait du ciel les moyens de faire réussir les bons desseins et les justes désirs qu’il avait pour l’utilité et la conservation du pays[3].

  1. Lettres datées du 18 juin.
  2. De Bergh trompait ici l’infante. Suivant le plan qui fut communiqué au prince d’Orange et au cardinal de Richelieu, après qu’on se serait saisi de tous les ministres espagnols, on « aurait prié l’infante de ne se plus mêler du gouvernement. »
  3. Lettre du 18 juin.