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d’épines, sa route un gouffre, un abîme, sa vie une désolation complète ! Elle ne devait donc plus compter sur la science et l’art pour ajouter à ses jouissances, sur la gloire pour briller et grandir, sur la poésie pour aimer ! Non, car s’il faut au bonheur de la gloire et de l’amour, des applaudissements et de l’éclat, au malheur il ne faut que du courage et de l’obscurité, des consolations et des larmes ! Non, car du moment où l’espoir du bien nous trahit, nous abandonne, où l’adversité nous arrive, où le pressentiment du mal nous tient parole, où ce mal est la réalité pour nous ; du moment où nous n’avons plus qu’à mourir, la poésie ne peut plus être pour nous que le dernier fil qui nous soutient sur l’abîme, le réseau qui nous enveloppe et nous enferme comme la coque où le ver soyeux s’emprisonne et se transforme ; la barque où nous passons d’une vie à l’autre !

Ce n’était donc plus un culte, hélas ! que Mme Farrenc avait à rendre aux lettres ; mais la poésie était l’autel sur lequel il ne lui restait plus qu’à s’immoler ; mais les lettres étaient désormais son refuge et son tombeau ; seules, désormais, elles pouvaient lui tenir lieu du père qu’elle avait perdu, de l’époux qu’elle avait cru rencontrer, des enfants qui lui restaient à nourrir ! Elles n’étaient plus le bonheur pour elle, ces lettres qui l’avaient embellie et charmée, elles n’étaient plus que le dernier salut de la veuve et des orphelins, le gagne-pain d’une mère !

Mais ce n’était plus dans la poésie et la méditation, que cette mère avait désormais à se recueillir, à se confier, car la poésie ne fait vivre que le cœur, et la méditation n’alimente que l’esprit ; ce n’était plus dans le fond d’une province, au sein d’une ville exclusivement livrée aux spéculations mercantiles, aux préoccupations positives du commerce et de l’industrie, que cette mère de-