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de Paris : j’y passai cinq ans, bien occupée, menant une de ces vies monotones et laborieuses comme passent tant de vies ; mais heureuse ; contente, ayant de bons jours et des heures de joie : c’est le temps que je regrette le plus, ce sont mes années de belle jeunesse. Qu’on me permette ici une réflexion, c’est qu’à cet âge l’argent ne fait pas grand’chose au bonheur ; quand on pense que la plupart des sous-maîtresses ne gagnent que 200 fr., d’autres. 300 fr., quelques-unes, mais très-peu, 400 fr., qu’elles sont obligées à une certaine tenue ; quand on y pense, dis-je, on me croira si j’assure que la fin dû mois ne nous trouvait guère, nous sous-maîtresses, avec la plus petite monnaie blanche dans notre bourse ; eh bien, nous riions comme des folles, et jamais cette pénurie ne coûta un soupir à aucune de nous.

Alors mon père se faisait vieux, les inquiétudes avaient ruiné la santé de ma mère, mes frères s’élevaient loin du seuil paternel, je revins à la maison, et là, continuant sous une autre forme la même carrière, je donnai des leçons au cachet. J’avais mes soirées libres, et je résolus, pour augmenter mon revenu, d’écrire ; car parfois je songeais que je ne me tirerais pas de l’affaire plus mal que beaucoup d’autres. La vue d’une mauvaise gravure me donna le ’sujet d’une Nouvelle en un petit volume. Quand elle fut faite, j’essayai de la vendre, moi sans nom, moi timide, honteuse du titre de femme de lettres, tant je regardais la vie obscure et ignorée comme la seule convenant à notre sexe, au point que chez les libraires où je présentai ma Nouvelle, je ne pus jamais prendre sur moi de m’en dire l’auteur ; et quand ils refusèrent de me l’acheter, avec des excuses qui pouvaient passer pour des compliments, quand, trompée par cette eau bénite de libraire, je me fus décidée à la faire imprimer à mes frais, tirée à cinq cents exemplaires, je me