Page:Binet - Les altérations de la personnalité.djvu/293

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’elle vient de poser sur la table ; elle ne sait ce qu’on veut lui dire ; elle n’a pas bougé ; il n’y a là aucun verre.

« Je dis : « Camille voit le verre ; mais ce n’est pas de l’eau comme on veut le lui faire croire ; c’est du vin, il est très bon, elle va le boire et il lui fera du bien. » Elle exécute ponctuellement l’ordre donné ; puis aussitôt elle a tout oublié.

« Je lui fais dire successivement des paroles peu convenables : « Coquin de sort ! Cré nom d’un chien ! Cr… » et elle répète tout ce que je lui ai suggéré, perdant d’ailleurs instantanément le souvenir de ce qu’elle vient de dire.

« À M. F…, qui s’étonne de ces faits, qui lui reproche ces propos inconvenants elle dit : « Mais je n’ai pas prononcé ces vilains mots ; pour qui me prenez-vous ? vous rêvez, vous êtes donc fou ? »

« Elle me voit sans me voir. En voici la preuve. Je dis : « Camille va s’asseoir sur le genou de M. L… » ; aussitôt, elle s’y jette violemment et déclare, sur interpellation, qu’elle est toujours sur le banc où elle s’est placée un moment auparavant.

« M. Liébeault m’adresse la parole ; comme elle ne me voit pas et ne m’entend pas consciemment, elle s’en étonne et alors elle engage avec lui un colloque où je joue le rôle de souffleur ; mais d’un souffleur qui serait logé dans son cerveau même. C’est moi qui lui suggère toutes les paroles suivantes, qu’elle prononce, convaincue qu’elle exprime sa pensée propre :

« Monsieur Liébeault, vous parlez donc aussi au mur maintenant ? Il faudra que je vous endorme pour vous guérir ; nous changerons ainsi de rôle, etc. »

« Monsieur F…, comment va votre bronchite ? »

« M. F… lui demande pourquoi et comment elle dit tout cela. Et elle de répondre, après que je lui ai soufflé :

« Mais comment voulez-vous que cela me vienne ? comme à tout le monde. Comment les idées vous viennent-elles à vous-même ? » et elle continue à développer le thème que je lui ai donné.