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L’hypothèse que nous présentons paraîtra si vraisemblable à quiconque a observé de près l’hystérie qu’il semblera inutile de la démontrer. Nous avons cru cependant qu’il serait intéressant d’étudier méthodiquement la question, en soumettant quelques sujets normaux exactement à la même série d’expériences que des hystériques. Nous résumerons par conséquent nos idées personnelles sur la question.

Si la pluralité de consciences et de personnalités chez les hystériques avait pour condition nécessaire l’anesthésie d’une partie du corps, on renoncerait à en trouver l’équivalent chez une personne normale, dont la sensibilité est intacte. Mais on a vu déjà que la division de conscience peut se produire à une autre occasion ; ce que fait l’insensibilité des organes sensoriels, un état particulier de l’esprit peut le faire aussi. Il en est de même chez des sujets sains ; ces sujets peuvent présenter des attitudes spéciales de l’esprit qui permettent à la désagrégation mentale de se manifester.

Ces conditions mentales sont assez nombreuses, mais nous n’en examinerons que deux.

Nous étudierons d’abord une situation qui est très nette et très facile à définir : c’est celle où une personne s’efforce de comprendre, en même temps, dans sa conscience, plusieurs phénomènes psychologiques différents : par exemple elle cherche à percevoir en même temps un grand nombre de sensations, provenant d’objets différents ; ou bien elle essaye d’exécuter un certain nombre de mouvements qui n’ont rien de commun, ni la forme, ni le but.

En second lieu, nous examinerons ce qui se produit quand l’attention du sujet, au lieu de se diviser entre les divers phénomènes qu’on provoque en lui, ne se fixe que sur un seul, déterminant ainsi un état de distraction pour tout le reste. Nous verrons que cette orientation particulière de l’attention produit des effets bien différents de ceux qu’on observe dans le cas d’attention collective.