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cure, on m’appliqua un bandeau sur les yeux : le mouvement diminua bientôt ; mais quoique les oscillations fussent faibles, elles ne diminuèrent pas sensiblement par la présence des corps qui avaient paru les arrêter dans mes premières expériences. Enfin, à partir du moment où le pendule fut en repos, je le tins encore pendant un quart d’heure au-dessus du mercure, sans qu’il se remît en mouvement, et dans ce temps-là, et toujours à mon insu, on avait interposé et retiré plusieurs fois, soit le plateau de verre, soit le gâteau de résine.

« Voici comment j’interprète ces phénomènes :

« Lorsque je tenais le pendule à la main, le mouvement musculaire de mon bras, quoique insensible pour moi, fit sortir le pendule de l’état de repos, et les oscillations une fois commencées furent bientôt augmentées par l’influence que la vue exerça pour me mettre dans cet état particulier de disposition ou tendance au mouvement. Maintenant, il faut bien reconnaître que le mouvement musculaire, lors même qu’il s’est accru par cette même disposition, est cependant assez faible pour s’arrêter, je ne dis pas sous l’empire de la volonté, mais lorsqu’on a simplement la pensée d’essayer si telle chose l’arrêtera. Il y a donc une liaison intime établie entre l’exécution de certains mouvements et l’acte de la pensée qui y est relative, quoique cette pensée ne soit point encore la volonté qui commande aux organes musculaires. C’est en cela que les phénomènes que j’ai décrits me semblent de quelque intérêt pour la psychologie, et même pour l’histoire des sciences ; ils prouvent combien il est facile de prendre des illusions pour des réalités, toutes les fois que nous nous occupons d’un phénomène où nos organes ont quelque part, et cela dans des circonstances qui n’ont pas été analysées suffisamment.

« En effet, que je me sois borné à faire osciller le pendule au-dessus de certains corps, et aux expériences où ses oscillations furent arrêtées, quand on interposa du verre, de la résine, etc., entre le pendule et les corps qui semblaient en déterminer le mouvement, et certainement je