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Les auteurs qui ont écrit sur l’anesthésie hystérique sont arrivés souvent à des conclusions contradictoires, qui tiennent à ce que l’on peut tout rencontrer chez l’hystérique anesthésique, depuis la paralysie complète des mouvements jusqu’à leur intégrité parfaite. On a eu le tort de ne tenir compte que de l’un ou l’autre de ces phénomènes et d’en tirer des conclusions particulières, qui en général se sont trouvées fausses. Nous devons essayer de fournir des explications capables de s’appliquer à des faits en apparence contradictoires. Voici ces faits.

La majorité des sujets hystériques arrive, les yeux fermés, à se servir de leur membre insensible avec presque autant de précision et de sûreté que s’ils avaient les yeux ouverts. « Certains sujets, dit M. Charcot[1], certains sujets, hystériques pour la plupart, privés de tous les modes de la sensibilité dans un membre, ont conservé cependant en grande partie la faculté de mouvoir ce membre librement, les yeux étant fermés. Notre malade Pin… offre aujourd’hui un bel exemple du genre. Chez lui, comme on l’a vu, la sensibilité cutanée et la sensibilité profonde sont complètement éteintes dans toute l’étendue du membre supérieur gauche, et, lorsque les yeux sont fermés, il ne possède aucune notion des mouvements passifs imprimés aux divers segments de ce membre, non plus que de la position que ceux-ci affectent. Les yeux étant ouverts, les mouvements volontaires, généraux et partiels, du membre, tant pour la variété que pour la précision, présentent tous les caractères de l’état normal. Ces mouvements persistent, en grande partie, quand les yeux sont fermés ; seulement, ils sont plus incertains, comme hésitants, nullement incoordonnés toutefois ; ils s’opèrent en un mot comme à tâtons. Pin… peut encore, les yeux clos, diriger ses doigts avec une certaine précision vers son nez, sa bouche, son oreille, ou encore vers un objet placé à distance, et réussit à atteindre le but. » Plus récemment, en mai 1887, M. Babinski a insisté

  1. Leçons sur les maladies du système nerveux, III, appendice.