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LES APTITUDES

Des arriérés d’hospice, passons aux arriérés d’école, qui sont aussi des déficients de l’intelligence, mais atteints plus légèrement ; nous ferons sur eux des constatations analogues. Ces enfants sont inférieurs à leurs camarades normaux, puisqu’on ne les admet dans les classes spéciales que s’ils ont un retard de trois ans en lecture, orthographe et calcul ; mais pour les travaux manuels, ils sont loin de présenter la même infériorité ; ils ont un certain coup d’œil, leur main n’est point maladroite ; et lorsqu’on leur donne un ouvrage matériel à exécuter, ils le font avec empressement, et le résultat n’est point mauvais. Si leurs dessins libres qui sont inspirés par l’imagination peuvent trahir quelque faiblesse de conception, en revanche leurs dessins d’ornementation ne manquent pas de goût. Nous avons vu nos jeunes filles anormales coudre, surfiler, pailleter d’une manière très satisfaisante, et faire gracieusement de jolies fleurs artificielles en papier. Quant à nos garçons anormaux, il faut les voir à l’établi. Je me rappelle que, dans une école, le professeur de travail manuel avait au début refusé de les accepter pour élèves ; « ces enfants-là, disait-il, doivent être turbulents et vicieux ; si je leur fais manipuler le ciseau et la scie, ils vont se blesser… je serai responsable des accidents ». Mais l’inspecteur, M. Belot, ayant insisté beaucoup, le maître ouvrier consentit à faire un essai ; après quelques mois, c’était un converti. Il avait pris quelques bonnes précautions ; ainsi, il avait eu soin d’adjoindre à chaque anormal un élève normal, fort en pratique, qui lui servait de guide en exécutant lui-même les tracés, et de gardien en surveillant les manipulations de l’outil. Pendant une année d’essai, on n’a eu à regretter aucun accident, même léger. De plus, au point de vue de l’attention, du goût et des capacités de travail, les anormaux ont donné des résultats inattendus ; classés avec des normaux du même âge, ils ne sont ni les pre-