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ET CRITIQUE

Baïf (v. ci dessus, p. 44, l. 29) ; la preuve, c’est qu’en 1597 la variante de la lettre, nombreux et savoureux, apparaît également dans ce passage.

P. 47, l. 24. — le miel tout sien. Sources : 1° Argument du 1er livre de la Franciade par Am. Jamin : « Il ressemble à l’abeille, laquelle tire son profit de toutes les fleurs pour en faire son miel. » (Bl., III, 41.) 2° Fin du poème d’Hylas : « Mon Passerat, je ressemble à l’abeille... (Bl., VI, 144.) 3° Fin d’une épître au Cardinal de Lorraine : « Tout ainsi que l’abeille... » (Ibid., 291.) 4° Essais de Montaigne, I, ch. xxv : « Les abeilles pillotent deçà delà les fleurs : mais elles en font apres le miel, qui est tout leur ». — Cette comparaison, très employée au xvie siècle, remonte à Pindare par Sénèque, Horace, Lucrèce et Platon. Lemaire de Belges avait terminé le premier livre de ses Illustrations de Gaule par ces vers de Lucrèce :

Floribus ut apes in saltibus omnia libant,
Omnia nos itidem decerpsimus aurea dicta.

P. 47, l. 27. — perfections. Source : Epitre au Lecteur de 1550, déjà citée : « Je suis de cette opinion que nulle Poësie se doit louer pour acomplie si elle ne ressemble la nature, laquelle ne fut estimée belle des anciens, que pour estre inconstante, et variable en ses perfections. » (Bl.. II, 12 ; texte rectifié par M.-L., II, 476.)

P. 47, l. 38. — sa Poësie. Une comparaison tout à fait analogue se trouve au début du Discours à Louys Des Masures, qui servait d’épilogue au tome III (fin des Poëmes) de la première éd. collective (1560). Voir Bl., VII, 49, et ma thèse sur Ronsard p. lyr., p. 198.

P. 48, l. 19. — devins. Binet veut dire : « ... quoique les poètes aient été appelés vates et devins par les Anciens ». Le mot latin vates avait été francisé par Ronsard dans l’Hymne de Bacchus (Bl., V, 234-35).

Ce passage tendrait à faire croire que Binet a préparé sa 3e édition dès avant la date de la mort de Henri III (1er août 1589). Mais on ne s’explique pas qu’en 1597 il ait laissé ces lignes, démenties par les faits. À cette date, on ne pouvait plus dire que la prédiction de Ronsard n’était encore manifeste qu’au Ciel ». Pour une inadvertance du même genre, v. ci-dessus, p. 174, au mot « regnant ».

Nous devons ici noter une erreur d’Est. Pasquier écrivant en 1598 que Ronsard avait prophétisé le règne de Henri IV dès la naissance de ce roi, erreur qui montre une fois de plus combien alors on était peu curieux de la chronologie, mais préoccupé de faire des phrases. Voici ce qu’on lit au livre XVI des Lettres de Pasquier, lettre vii, col. 478 : « Comme dans les grands Poëtes le Ciel influe quelquefois un esprit de prophetie : aussi notre grand Ronsard des vostre naissance, y ayant lors six testes qui avoient le devant de vous à la Couronne, prophetisa et vostre future Royauté, et ceste reformation generale de vostre part, dans un sonnet qu’il vous adressoit, sous le nom de Duc de Beaumont que portiez lors, dont y a quatre vers de telle teneur :

Quand l’aage d’homme aura ton cœur attaint,
S’il reste encor quelque train de malice (trac, dit Ronsard)
Le monde adonc, ployé sous ta police,
Le pourra voir totalement estaint. »