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COMMENTAIRE HISTORIQUE

vans trop haut au travers des nües, mais qui d’artifice et d’un esprit naturel, elabouré par longues estudes… descrivent leurs conceptions d’un style nombreux, plein d’une venerable majesté, comme a faict Virgile en sa divine Æneide. » (Bl., III, 18 et 23.)

Il est possible que Binet se soit inspiré de ces passages qui datent de l’année 1584 au plus tôt ; il se peut aussi qu’il ait rapporté des paroles vraiment prononcées en sa présence par Ronsard. Quoi qu’il en soit, on ne peut mettre en doute l’opinion du chef de la Pléiade sur ses maladroits imitateurs et sur la nécessité du juste milieu dans le style poétique. On verra dans les notes suivantes qu’elle est confirmée par d’autres témoignages importants, et par deux pièces de vers, où Ronsard s’est exprimé, comme ici, en véritable père de l’école classique. Malherbe et Boileau ne penseront pas autrement que lui.

P. 39, l. 21. — reputation. Cf. Iliade, VI, vers 407 : Δαιμόνιε, φθίσει σε τὸ σὸν μένος.

P. 39, l. 27. — mon Binet. On remarquera dans tout ce passage l’insistance de Binet à montrer qu’il était le confident intime de Ronsard. Binet n’est pas seulement heureux de citer de l’inédit ; il est visiblement très satisfait de se mettre en scène. Rien ne nous permet de suspecter l’authenticité de ces vers : Ronsard a très bien pu en effet les dicter à Binet soit en 1584, soit en 1585, alors qu’il était perclus de rhumatismes. Mais nous ne pouvons nous défendre d’une certaine défiance au sujet de leur adresse, en songeant que deux autres pièces sont adressées à Binet dans la 1re édition posthume (qu’il fut chargé d’élaborer avec Galland), alors que du vivant de Ronsard elles étaient dédiées à d’autres : le poème du Rossignol, qui, de 1569 à 1584 inclusivement, était dédié à Jean Girard, et le sonnet Veux tu sçavoir, qui, de 1555 à 1584 inclusivement, était dédié à Guy de Brués. Nous pouvons d’autant moins nous en défendre que le commentaire de cette dernière pièce a subi dans la 1re édition posthume une variante qui donne à réfléchir. On lit en note sous la signature de Belleau dans toutes les éd. collectives parues du vivant de Ronsard : « Il adresse ce sonnet à Brués, homme fort docte et des mieux versez en la cognoissance du Droict et de la Philosophie, comme il a fait paroistre par certains Dialogues qui se lisent aujourd’huy… » ; dans la 1re éd. posthume, toujours sous la signature de Belleau : « Il adresse ce sonnet à Claude Binet, homme fort docte et des mieux versez en la cognoissance du Droict et de la Poësie, et l’un de nos meilleurs amis… » Belleau étant mort en 1577, et ce sonnet étant encore dédié à Brués en 1584, est-il téméraire de penser que Binet a substitué lui-même son nom à celui de Brués et transformé à son avantage le texte primitif du commentaire ? Il se peut d’ailleurs que Ronsard l’ait autorisé à faire ces changements, ou les ait faits de sa propre main sur l’exemplaire de 1584 qu’il corrigea en vue d’une nouvelle impression.

P. 39, l. 28. — filles de Cocyte. Ce sont les Furies. Imitation de Virgile, qui appelle l’une d’elles, Alecto, Cocytia virgo (En., VII, vers 479).

P. 39, l. 36. — est blessée. Extrait de l’Abbregé de l’Art poët. fr. (1565) : « Quand je te dy que tu inventes choses belles et grandes, je n’entends toutesfois ces inventions fantastisques et mélancoliques, qui ne se rap-